Haute fonction publique française : un rapport confidentiel impose un virage serré

Un rapport confidentiel des inspections générales propose un plan quadriennal pour restructurer la formation continue des cadres supérieurs. L’INSP, désigné tête de réseau, est maintenu au centre mais risque d’être écarté en cas d’échec.
Un rapport confidentiel, rédigé par les inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration, met l’Institut national du service public (INSP) sous pression. Remis fin avril 2025 au gouvernement et consulté par le média spécialisé Acteurs publics, ce document, qui sera présenté le 18 juin au conseil d’administration de l’INSP, propose un plan sur quatre ans pour remanier la formation continue des cadres supérieurs de l’État. L’objectif : rationaliser un système jugé hétérogène, cloisonné et mal adapté aux besoins d’une haute administration plus intégrée.
Faiblesse stratégique et déficit chronique
L’INSP, désigné en 2022 comme tête de réseau des opérateurs de formation, reste au cœur du dispositif pendant le déploiement du plan. Cependant, son rôle est fragilisé par des faiblesses structurelles : déficit chronique (2,9 millions d’euros en 2024), modèle économique instable et retards dans le développement de la formation continue.
L'INSP, fléché depuis 2022 comme tête de réseau de tous les opérateurs de formation, déficitaire et dont la montée en puissance ne convainc pas pour le moment, resterait au centre du jeu pendant le déploiement du plan. Mais il pourrait être écarté en cas d’échec, à l’issue. https://t.co/OxvchtVy4A
— acteurs publics (@acteurspublics) May 30, 2025
Le rapport souligne une « faiblesse de la réflexion stratégique » et une offre de formation « foisonnante, redondante, pilotée par l’offre et non la demande ». Les ministères, aux moyens inégaux, peinent à fournir des données cohérentes, et seuls 4 des 13 organismes étudiés tiennent une comptabilité analytique.
Pour remédier à ces dysfonctionnements, les inspecteurs prônent une mutualisation progressive, sans fusions brutales. Dès 2028, les opérateurs devront adopter une tarification à coûts complets pour plus de transparence. Un fonds de péréquation, géré par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), serait créé dès 2026, financé par une contribution interministérielle (0,02 % à 0,2 % de la masse salariale des cadres supérieurs d’ici 2029). Ce mécanisme encouragerait la fin des doublons en pénalisant les formations redondantes.
L’INSP, qui avait succédé à l’ENA après sa suppression controversée par Emmanuel Macron, est appelé à se recentrer sur des formations spécialisées, notamment en management, et à développer ses ressources propres, en ouvrant ses formations au privé, sur le modèle de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN).
Une « Académie de l’État » pourrait émerger comme marque ombrelle. Une évaluation est prévue en 2027, avec une clause couperet en 2029 : en cas d’échec, l’INSP pourrait être recentré sur la formation initiale, et la formation continue confiée à des acteurs privés via appels à projets. Une menace claire pour l’Institut, déjà critiqué pour ses priorités mal alignées et un « turn-over » élevé.