La France perd trois quasi-monopoles dans le marché algérien

Les séries de crises entre la France et l’Algérie et la nouvelle politique des autorités algériennes qui tentent de diversifier leurs fournisseurs et marchandises et denrées essentielles ont entamé une chute vertigineuse de l’hégémonie française dans plusieurs secteurs de l’économie algérienne. Explications.
Certaines filières de l’économie française ne peuvent désormais plus compter sur leur position plus que privilégiée de quasi-monopole sur le marché algérien, notamment dans les secteurs céréalier, de l’automobile et de l’élevage bovin.
C’est ce qui ressort d’un rapport de presse rendu public ce 3 juin par le site d’information algérien TSA passant en revue les secteurs dans lesquels l’influence économique française a subi un net recul, voire un arrêt total des activités. Selon la même source, la dégringolade de l’hégémonie économique hexagonale sur le marché algérien a débuté en 2013, lorsque la Chine s’est hissée au rang de premier fournisseur de l’Algérie. Si la France est actuellement au second rang des fournisseurs internationaux du pays, les crises diplomatiques et politiques actuelles qui secouent les relations entre les deux pays n’arrangent en rien la tendance à la baisse de son influence économique.
Ce recul s’est encore accentué au premier trimestre 2025, selon les chiffres officiels des douanes françaises cités par TSA, avec le recul de 21 % des exportations françaises vers l’Algérie, par rapport à la même période de 2024. La même source relève une baisse des expéditions de produits issus de la culture et de l’élevage de 99 %, des glaces et des laits de 98 % et des produits alimentaires divers de 60 %.
Blé français en Algérie, la fin d’une ère
La France a bénéficié depuis des années de sa position de premier fournisseur de blé en Algérie, avant de perdre progressivement son quasi-monopole depuis 2020, lorsque l’Office algérien des céréales (OAIC) a décidé d’assouplir les conditions de ses appels d’offres internationaux pour diversifier les fournisseurs, sur fond de chute des prix du pétrole. La décision a permis aux blés de la mer Noire de se tailler une part sur le marché algérien.
D’après une source proche du dossier, citée par TSA, « le cahier des charges algérien pour l’importation des céréales était taillé sur mesure pour le blé français. Avec le changement des conditions des appels d’offres, l’Algérie a diversifié ses fournisseurs et la France est la plus grande perdante de ce changement. »
L’assouplissement des conditions techniques a réduit l’attrait du blé français, désormais moins compétitif que celui de la mer Noire. Mais la situation s’est encore aggravée pour la France avec l’émergence des séries de tensions politiques et diplomatiques qui ont approfondi le gouffre entre les deux rives de la Méditerranée.
Dans les faits, les exportations françaises de blé sont passées d’un volume allant jusqu’à 9 millions de tonnes dans le passé à 5 à 6 millions de tonnes en 2019, puis à 2 millions de tonnes en 2020.
« Aujourd’hui, c’est zéro […] Nous n’avons aucun retour sur nos dossiers », expliquait récemment Alain Caekaert, directeur général de Cérévia, un conglomérat de grandes coopératives céréalières de la région Bourgogne-Franche-Comté et Rhône-Alpes, dont les propos ont été rapportés par TSA.
De plus, le gouvernement algérien a pris cette décision stratégique pour assurer son autosuffisance en blé dur, en maïs et en orge et diversifier ses fournisseurs, réduisant ainsi sa dépendance à la France et compromettant définitivement le retour du blé français en Algérie.
Dans cette perspective, l’Algérie a financé à hauteur de 400 millions d’euros un grand projet de production de blé dur et de légumineuses avec le groupe italien Bonifiche Ferraresi (BF) à Timimoun, dans le Sahara algérien.
Les voitures françaises ne se vendent plus en Algérie
À l’instar des céréales, la France bénéficiait d’un autre quasi-monopole en matière de vente automobile. Le site d’information rapporte qu’en 2012, l’Algérie avait importé 115 000 véhicules de la marque Renault et 65 000 voitures Peugeot pour un total de 543 000 unités, sans compter les autres marques françaises et les importations des particuliers.
La donne a nettement changé en 2024, année durant laquelle 10 000 nouveaux véhicules français ont pu rouler sur le sol algérien, exclusivement importés par des particuliers. D’après TSA, plus aucun concessionnaire ne commercialise les marques françaises en Algérie et l’usine Renault d’Oran demeure toujours à l’arrêt.
La filière bovine perd pied en Algérie
L’Algérie importait entre 40 000 et 70 000 têtes de France chaque année. Depuis septembre 2023, une épidémie virale affectant le bétail a stoppé net le commerce qui n’a jamais repris depuis, selon le journal français Le Progrès, qui cite François Chaintron, directeur délégué pour la zone Bourgogne de l’élevage bovin.
Concernant les produits laitiers, l’Algérie avait acheté de la poudre de lait à la France pour 190 millions d’euros, en 2022, et pour 266 millions d’euros en 2023. Ce chiffre a baissé d'un quart en 2024. Se tournant vers le marché africain pour acquérir cette denrée, les autorités algériennes s’apprêtent à recevoir la première cargaison de poudre de lait de l’Ouganda pour un marché de 500 millions de dollars, selon le président ougandais.