Les frappes de Trump sur l’Iran – venant s'ajouter à une liste déjà longue de renoncements et de déceptions – apparaissent comme une trahison de ses idéaux et perturbent le cœur du mouvement MAGA. L'analyse d’Alexandre Regnaud.
Le 24 janvier 2025, quatre jours après l’investiture de Donald Trump comme président des États-Unis, je constatais ici même : « Il est en effet toujours utile de se souvenir que lors de l’hystérie mondiale qui avait accompagné la première élection d’Obama, Vladimir Poutine avait déclaré que les plus grands espoirs amènent souvent les plus grandes déceptions. Une sentence qui s’était avérée prophétique. Voyons ce qu’il en sera pour Trump ». Exactement 6 mois plus tard, on a vu.
L’absence de réelles destructions, la faible réponse iranienne et l’évocation d’un
cessez-le-feu montrent que les frappes américaines sur l’Iran avaient un objectif autre que militaire. Trump pourrait avoir voulu des frappes bidon pour couper l’herbe sous le pied des pressions israéliennes sans fâcher réellement l’Iran.
Ou à l’inverse, il a pu organiser une mise en scène pour sauver la face d’Israël devant l’échec de sa tentative de changement de régime par la terreur et lui permettre de négocier la paix en prétendant avoir quand même atteint ses objectifs. Il est encore trop tôt pour trancher, mais dans les deux cas, le coût politique est exorbitant: le mythe de la puissance politique des États-Unis est sérieusement mis à mal, de même que l'autorité de Trump, dont l'agenda et les décisions semblent désormais littéralement soumis aux désidératas et à l’influence d’une puissance étrangère.
En effet, bidon ou pas, les frappes ont eu lieu, et parmi les plus fervent partisans de
Trump et du mouvement MAGA, le doute commence sérieusement à s’installer. Des
influenceurs clés comme Tucker Carlson ou Candace Owen sont vent debout contre
l’intervention. Steeve Bannon, voix influente parmi les trumpistes les plus radicaux, dénonce trahison et soumission. Tulsi Gabbard, directrice du renseignement, rappelle que la bombe nucléaire iranienne n’existe pas, et donc que rien ne justifie les frappes d'Israël et, a fortiori, celles de Trump. Un schéma qui rappelle sérieusement les mensonges sur les armes de destruction massive irakiennes et la guerre qui s’en suivit, puissant traumatisme dans la société américaine.
Trump fracture donc son propre mouvement, à commencer par les plus radicaux de ses soutiens, qui soulignent en parallèle d’autres échecs et d’autres promesses trahies.
En premier lieu, les promesses de déportations massives de clandestins, qui n’ont toujours pas eu lieu. Au contraire, des compromis sont faits dans plusieurs secteurs économiques, notamment l’agriculture et l’hôtellerie, sous le poids des lobbys patronaux en recherche de main d’œuvre à bas coût leur rapportant plus qu’un travailleur américain. Précisément ce que dénonce le cœur du mouvement MAGA et un des moteurs principaux du vote Trump.
Jusqu’à présent, le seul succès de la politique d’immigration de Trump aura
paradoxalement été de fédérer ses opposants dans les manifestations monstres du « No kings day » et d’agiter le spectre de la guerre civile autour des émeutes de Los Angeles.
Le volet économique n’est guère plus brillant. La brouille avec Elon Musk est venue souligner la continuation de la politique d’endettement abyssal des États-Unis. Précisément ce contre quoi Musk entendait lutter avec le DOGE, un autre pilier du programme MAGA auquel Trump a finalement opposé une fin de non-recevoir devant la pression des lobbys. Un premier signal a été en réponse la baisse de la note
américaine par l’agence Moody’s.
En parallèle, la politique des taxes douanières, les fameux « tarifs », est aussi un échec. Les taxes destinées à susciter les négociations ont été suspendues pour 86
pays, l’Union européenne et la Chine, et rien ne semble progresser sur ce dossier.
La FED prévoit par ailleurs une inflation de 3 à 5% directement causée par cette politique.
Autre aspect remis au premier plan par l’algarade avec Musk, l’affaire Epstein. Cela
peut paraitre anecdotique, mais pour beaucoup de partisans de Trump, c’est au
contraire un sujet essentiel. Beaucoup de promesses ont été faites pendant la campagne, particulièrement la publication très attendue de dossiers clés et des poursuites judiciaires. Comme pour le reste, les trumpistes attendent toujours et Kash Patel, le directeur du FBI, noie le poisson.
En résumé : recul sur la dette, recul sur le commerce international, recul sur l’immigration, recul sur Epstein. Soit recul sur la plupart des fondamentaux du
mouvement MAGA et des attentes de l’électorat trumpiste. Et toujours avec le même mécanisme de déclarations tonitruantes puis de renoncement face aux pressions des lobbys et de l’État profond.
A l’opposé, le seul domaine où Trump semble avoir, pour une fois, su faire preuve de courage et de jusqu’auboutisme, est précisément celui que ses partisans
condamnaient le plus fermement : utiliser les forces armées américaines pour servir
des intérêts étrangers et l’agenda de l’État profond qu’il avait justement été élu pour
combattre.
En effet, ne nous y trompons pas, quelque fut l’objectif réel, en choisissant de
bombarder quand même l’Iran plutôt que de s’opposer à l’escalade, Trump a montré
qu’il n’avait pas l’initiative face aux mondialistes. Car c’est bien toujours du même combat qu’il s’agit. Vladimir Poutine, lui, l’a bien compris, qui déclarait la semaine dernière à l’occasion d’une table ronde du SPIEF 2025 : « Il s’agit essentiellement des mêmes forces, que ce soit contre l’Iran, ou dans le cas de la Russie, quelque part au loin, à l’arrière, dans le dos ».
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