De quoi le déficit commercial français record est-il le nom ?

De quoi le déficit commercial français record est-il le nom ?© CLEMENT MAHOUDEAU / AFP
Vue sur le port de Fos-Sur-Mer, près de Marseille (image d'illustration).
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Traité de Maastricht, euro, accords de libre-échange, libéralisation du marché de l’énergie... Philippe Murer, économiste, épingle les choix qui ont conduit la France à atteindre un déficit commercial record.

Un déficit commercial record, inquiétant

Le chiffre du déficit commercial mensuel de la France est sorti : sur un mois, le déficit commercial s’affiche à 17 milliards d’euros, un record ; sur un an, le déficit commercial s’affiche dans le rouge vif, à 150 milliards d’euros, encore un record, le double même des niveaux records d’avant 2017, d’avant l’arrivée de Macron au pouvoir. Quelque chose de grave est en train de se passer mais quoi ?

Le prix élevé de l’énergie importée a certes un impact dans cette dégradation. Il y a bien sûr une part «exceptionnelle» avec la politique des sanctions liée à la guerre en Ukraine. Il y a aussi une part structurelle liée à l’incurie de nos gouvernements, incapables de maintenir nos centrales nucléaires en état de fonctionnement, ce qui coûte très cher à la France en termes d’importations d’électricité, à des prix très élevés.

Le réel problème est cependant le solde des produits manufacturés qui s’établit à environ 80 milliards d’euros sur un an : la moitié du déficit commercial. Ce solde autrefois largement positif, permettant de payer les importations de matières premières, est aujourd’hui, négatif : il se dégrade sans cesse et illustre la bérézina de l’industrie française.

D’où vient la destruction de notre industrie ?

En 1992, les Français votent pour ou contre Maastricht par référendum. Le oui, soutenu par la grande majorité des «élites» politiques et médiatiques françaises gagne d’une courte tête.

Avec Maastricht, la France a abandonné la gestion de sa monnaie à l’Union Européenne (UE). L’euro, géré comme le Deutsche Mark, devient pour 20 ans une monnaie forte, trop forte. Les exportations devenant trop chères, les importations devenant trop abordables, cette monnaie forte adaptée à l’Allemagne mais pas aux autres pays fait décliner l’industrie de toute l’Europe du Sud, France comprise.

On remarque sur ce graphique que les productions industrielles vont dans le même sens avant l’apparition de l’euro puis divergent ensuite radicalement.

De quoi le déficit commercial français record est-il le nom ?

Laissée aux mains de l’UE, la politique commerciale se traduit par des accords de libre-échange signés avec moult pays ou zones à bas salaires voire une baisse unilatérale des droits de douane. Même les marchés publics des pays de l’UE sont autoritairement ouverts au monde entier quand les marchés publics du monde entier sont réservés aux acteurs nationaux, fermés aux acteurs étrangers. Si l’on rajoute à cela l’entrée de pays d’Europe de l’Est à bas salaires dans l’UE, on comprend pourquoi nous avons eu de telles délocalisations et un tel affaiblissement de l’industrie française. La production industrielle a chuté de 10% depuis l’an 2000 et représente une part de plus en plus faible de notre PIB, de notre richesse produite. Cette faiblesse de notre industrie est devenue concrète pendant la crise du Covid où la France a manqué de tout : pénurie de masques, de combinaisons médicales, de tests PCR au début de la crise et même de gel hydro-alcoolique, tous ces produits étant largement fabriqués hors de France et importés. Quand on ne produit rien, on risque de manquer de tout, surtout pendant une  crise, les pays producteurs réservant à l’usage de leur population les produits en situation de pénurie.

La politique énergétique est elle aussi laissée aux mains de Bruxelles. La libéralisation du marché de l’énergie, les règles absurdes du marché européen de l’énergie ont fait monter les prix tout en fragilisant le système énergétique européen. Avec les sanctions et les embargos sur notre approvisionnement énergétique en provenance de Russie (guerre en Ukraine), les prix explosent à la hausse. Notre industrie déjà défaillante pâtit dès lors des prix de l’énergie très défavorables.

Enfin, les normes complexes et même brouillonnes édictées par l’UE, responsable du marché commun, pénalisent un peu plus l’industrie en France et en Europe.

Quand l’UE nous interdit de remédier à ses propres erreurs

L’Union européenne a déclaré l’Europe «continent de la concurrence libre et non faussée».

La planification économique, grand avantage compétitif de la France gaulliste, a été en conséquence interdite et avec elle, la possibilité de réindustrialiser. Avec la fin de l’Etat-stratège, impossible de réaliser de grands projets gaullistes pour renforcer notre industrie, méthode qui avait pourtant donné des succès retentissants (Airbus, Ariane, Centrales nucléaires, Télécoms…). Dans les filières naissantes, les puces électroniques, internet, les énergies renouvelables ont été abandonnées à la concurrence internationale et à des pays plus gros, plus puissants. Il est donc impossible de relancer notre industrie par la planification.

Même l’utilisation de règles fiscales spécifiques pour favoriser l’industrie est impossible au nom de la concurrence libre et non faussée. Ainsi, un CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) de 50 milliards d’euros, dont le dessein était la relance de notre compétitivité industrielle, a dû arroser indifféremment l’industrie pour 10 milliards et les services pour 40 milliards. Les notaires et cabinets d’avocats parisiens en remercient encore l’UE. Mais quel gâchis et quelle perte d’efficacité.

Conclusion

La politique et les règles de l’UE ont donc détruit l’industrie dans l’Europe du Sud et maintenant dans l’Europe du Nord. La puissante industrie allemande qui s’effritait depuis quelques années fait maintenant mauvaise figure avec les prix de l’énergie élevés.

Rien n’est en vue pour arrêter ce déclin violent de l’industrie française et européenne. Pire, l’énergie chère, plus chère aujourd’hui en Europe que sur les autres continents à cause de la politique des sanctions, accentue notre déclassement économique.

L’industrie étant la clé de la prospérité, le continent européen tout entier risque de s’enfoncer dans une descente économique sans fin. Et les règles européennes, conséquence des principes fondateurs de l’UE, empêchent toute évolution favorable. Dès lors, nous sommes en droit de nous poser la question : comment arrêter le déclin ?

Philippe Murer

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