De la «clé dorée» au divorce numérique : la presse s’empare du clash Trump-Musk

La relation privilégiée entre Donald Trump et Elon Musk a viré au conflit public, mettant en péril l'image de Tesla et provoquant des inquiétudes au sein des républicains. Cette rupture, jugée inévitable par les médias occidentaux, pourrait avoir de lourdes conséquences politiques et économiques.
Il y a moins d’une semaine, Donald Trump remettait symboliquement à Elon Musk une clé dorée censée ouvrir toutes les portes de la Maison-Blanche. Désormais, il n’y a peut-être plus rien à ouvrir.
Dès l’annonce du budget, défendu par le président américain comme le « grand et beau projet de loi », le milliardaire s’y est opposé le qualifiant d'« abomination dégoûtante ». Le 5 juin, l’échange est devenu public : Trump fulminait depuis Truth Social, Musk répondait sur X.
Une rupture aux allures de vaudeville
Les médias occidentaux n’ont pas tardé à réagir à ce divorce en ligne, soulignant le caractère grotesque de cette querelle. Politico a résumé la situation ainsi : « Cela promet d’être le "divorce de la décennie". Et tout le monde le voit ».
Le Washington Post rappelle, pour sa part, que cette alliance était vouée à l’échec dès le début : « Depuis des mois, alors que Musk s’imposait comme le compagnon constant du président et son soi-disant "meilleur ami", la question se posait : combien de temps durerait ce duo de deux hommes ayant l’habitude d’occuper seuls le devant de la scène ? Les échanges houleux de jeudi ont donné une réponse définitive ».
La presse ironise également sur le ton théâtral de l’affrontement. Pour le New York Times, c’était la scène « mesquine, vindicative, personnelle, insignifiante, théâtrale, puérile, lourde de conséquences, sordide et publique que beaucoup l’avaient prévue ». Le journal américain souligne aussi l’absurdité technique de cette bataille à distance : « Trump et Musk étant tous deux propriétaires de réseaux sociaux, aucun des deux ne répond directement à l’autre. Tous ceux qui suivent depuis chez eux (c’est-à-dire tout le monde) doivent passer d’une plateforme à l’autre pour voir ces cow-boys du clavier échanger des piques ».
Les internautes s’en amusent également : sur X, le mot-dièse « THE GIRLS ARE FIGHTING » [« LES FILLES SE BATTENT »] devient l’un des sujets les plus commentés.
Des répercussions politiques majeures
Au-delà du spectacle, cette rupture inquiète profondément les stratèges républicains. Le Hill note l’influence considérable de Musk sur une frange jeune, masculine et populiste de la droite américaine : « Musk est extrêmement populaire, voire adulé par beaucoup de ceux que l’on pourrait qualifier de l’expression de "droite en ligne". Ces jeunes populistes de droite, principalement des hommes, révèrent Musk non seulement pour ses succès commerciaux, mais aussi pour ses attaques répétées contre le "wokisme" ». Ainsi, le quotidien fait l’hypothèse que le PDG de Tesla et SpaceX pourrait sérieusement éroder le soutien de cette base à Trump : « Musk pourrait causer un préjudice sérieux à Trump auprès de ce groupe d’électeurs qui soutenait auparavant le président ».
Toutefois, si la querelle amuse les réseaux sociaux, elle suscite en coulisses un vrai malaise chez les élus républicains. Selon NBC News, ce clash entre les deux hommes pourrait avoir des effets durables bien au-delà du simple affrontement personnel : « La bromance est peut-être morte, mais les républicains craignent que l’escalade du conflit entre le président Donald Trump et le milliardaire Elon Musk ne se poursuive, causant des dommages collatéraux pendant des semaines, des mois, voire des années ».
Il est également souligné que certains élus craignent pour leur avenir politique si Musk venait à s’impliquer contre eux : « Les législateurs républicains sont très inquiets, surtout lorsqu’il s’agit de leurs propres sièges au Congrès et de leurs postes de présidents, qui seront menacés si Musk tente de les écarter du pouvoir lors des élections de mi-mandat de l’année prochaine ».
La situation est même comparée à une crise familiale : « Les autres républicains ressemblent à des enfants pris entre deux parents en plein divorce, peut-être violent ».
La BBC va plus loin en avertissant que Trump pourrait instrumentaliser les institutions contre Musk et que ce dernier pourrait lui faire payer le prix fort : « Si Trump retourne contre Musk la machine étatique, le milliardaire technologique en souffrira ». « Musk ne gagnera peut-être pas la bataille contre le gouvernement Trump mais il peut faire payer un prix politique et personnel élevé à Trump et aux républicains », indique la presse britannique.
Tesla en ligne de mire
Les tensions ne se limitent pas au domaine politique. Les marchés observent avec inquiétude les effets possibles de ce conflit sur les affaires de Musk. Le Financial Times cite l’investisseur Jim Chanos pour qui cette rupture était également inévitable : « le divorce le plus prévisible de l’histoire ».
Selon Reuters, l’affrontement pourrait avoir des conséquences concrètes sur l’avenir de Tesla, notamment en matière de régulation : « Une hostilité ouverte envers Trump pourrait créer de nombreux obstacles pour Tesla et le reste du vaste empire commercial de Musk. Le ministère américain des Transports réglemente les normes de conception des voitures et aura une grande influence sur la capacité de Tesla à produire en masse des robotaxis sans pédales ni volant ».
L’agence de presse britannique rappelle aussi que le ministère des Transports enquête toujours sur le logiciel d’aide à la conduite de Tesla, connu sous le nom de « Full Self-Driving », après un accident mortel.
En outre, dans l’ombre du scandale, c’est le modèle économique de Tesla qui se retrouve fragilisé. The Independent met en lumière la dépendance de Tesla aux subventions publiques que les Républicains menacent de réduire : « Tesla a largement profité de l’argent des contribuables, principalement sous forme de paiements pour le commerce des quotas d’émissions provenant des constructeurs de voitures non électriques et d’avantages fiscaux accordés aux consommateurs qui achètent des voitures électriques ».
Elon Musk occupait un poste de conseiller spécial, limité à 130 jours par an selon la réglementation fédérale américaine. Ce délai a expiré le 30 mai, clôturant ainsi officiellement sa collaboration avec l’administration Trump à la tête du DOGE dont il avait pris les rênes en janvier 2025, la mission du département consistant à réformer le gouvernement fédéral, à réduire les coûts et à moderniser la structure administrative. L'une des mesures les plus marquantes prises par cette instance sous la direction d'Elon Musk a été la suppression de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), l'un des principaux instruments de la politique étrangère américaine depuis sa création en 1961.