Par Karine Bechet-Golovko Tous les articles de cet auteur
Karine Bechet-Golovko, docteur en droit public, professeur invité à la faculté de droit de l'Université d'Etat de Moscou (Lomonossov), animatrice du site d'analyse politique Russie Politics.

Ouvrez les yeux : l’OTAN, cette structure anti-européenne, par Karine Bechet-Golovko

Ouvrez les yeux : l’OTAN, cette structure anti-européenne, par Karine Bechet-Golovko© AP Photo/Jacquelyn Martin
Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg lors d'une conférence de presse avec le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken à Washington, le 1er juin (illustration).
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Par la vente d'armes et les discours, nous faisons la guerre, au moins de manière indirecte, note Karine Bechet-Golovko. Selon elle, l'OTAN, menée par Washington, profite du conflit ukrainien pour garder une Europe atlantiste, donc soumise.

Dans le combat mené par le monde Occidental contre la Russie, l’OTAN est l’un des piliers de cet étrange assaut. Etrange, car derrière le discours va-t-en-guerre des dirigeants de l’UE et de certains pays de l’Est, dont les complexes furent parfaitement travaillés par leurs nouveaux maîtres, l’on sent une (très) certaine hésitation à passer des mots aux actes. Si Macron souhaite la «victoire de l’Ukraine», il souligne qu’il «ne faut pas humilier la Russie», car ensuite il faudra bien vivre dans le même monde. Même dans leur fanatisme actuel, les dirigeants des pays européens, eux, ne peuvent envisager la mort du Continent européen. Ils s’accrochent toujours à un «après», qui serait un remake allégé de «l’avant», donc rien d’irréparable ne doit être commis ... ou su. À la différence de l’OTAN et de son tireur de ficelles américain, qui lui n’entrevoit le Continent européen que comme un territoire et des peuples à maintenir dans l’orbite atlantiste, quel que soit le prix à payer pour cette Europe déjà soumise.

C’est bien toute l’ambiguïté de la situation : il faut gagner la guerre ... sans la faire. Tout d’abord, en la faisant faire, sur le sol ukrainien, par l’armée ukrainienne, par des mercenaires, par des groupes néonazis. Bref, par les autres. Mais soi-même, non, pas directement. L’on fournit les armes et les conseils, l’on fournit le discours, mais l’on ne peut pas s’engager directement. Ensuite, en créant un ennemi, la Russie, que l’on n’attaquera pas directement, car il sert à maîtriser l’espace, donc il doit durer.

Et c’est tout l’habillement de l’OTAN, qui prend le vent. L’OTAN est une organisation militaire, une organisation de dissuasion. Or, pour que la dissuasion fonctionne, il faut non seulement avoir une capacité militaire, qui fasse peur, mais il faut surtout que l’adversaire désigné ait la certitude, que vous allez utiliser vos forces dans le combat. Pourtant, au fur et à mesure de l’intensification de la rhétorique contre la Russie, au fur et à mesure de la construction de la figure de l’ennemi «russe», toute cette agitation atlantiste ressemble s’y méprendre à une mise en scène, à un spectacle. Et ce spectacle semble bien plus destiné à l’Europe, qu’à la Russie. Reprenons dans l'ordre.

Alors que le conflit se déroule sur le sol ukrainien et que les rapports avec la Russie sont tombés dans les catacombes des relations internationales, les Etats-Unis lancent leurs exercices annuels en mer Baltique, l’Opération Baltops 2022. Il n’est évidemment rien de plus urgent en ce moment que de faire monter la pression dans la région Baltique. En toute logique, et en réaction à cet afflux de navires militaires, la Russie renforce également sa présence et les médias peuvent ainsi titrer : «Guerre en Ukraine : une centaine de navires de l'OTAN et de la Russie face à face, la tension monte en mer Baltique». Le seul lien ici entre l’Ukraine et la mer Baltique, c’est l’OTAN, et plus concrètement les Etats-Unis, puisqu’il s’agit d’un exercice annuel des forces navales américaines en Europe.

C’est donc bien en raison de l’action unilatérale de l’OTAN, qui sous couvert de «menace russe» qu’il provoque justement par son action, que l’équilibre stratégique international est déstabilisé. La course à l’intégration de la Finlande et de la Suède s’inscrit dans la même ligne. Ces pays collaborent depuis longtemps avec l’OTAN, mais sans en être membres, en raison de la neutralité imposée après la Seconde Guerre mondiale et il a fallu attendre 2017 pour que très discrètement la Finlande se décide quand même à retirer la croix gammée, qui ornait fièrement son aviation. La Russie n’avait jamais réagi. Or, avec l’annonce de la prochaine entrée de ces pays dans l’OTAN, la réaction ne s’est pas faite attendre – en plus d’une reconcentration des forces russes à la frontière avec la Finlande, les dirigeants russes ont annoncé, que les mesures seraient ensuite adoptées en fonction de la menace concrète que présenteront dès lors ces pays pour la sécurité nationale.

L’absurdité de la chose est que la menace vient de celui qui prétend vouloir lutter contre cette menace, la génère et ensuite pointe du doigt la réaction en la présentant comme la cause et justifie ainsi rétrospectivement son action. Mais quel est le besoin de l’OTAN à cela, alors que l’on voit bien cette distance persistante entre le discours et les faits ? Car finalement, qui irait sérieusement se battre et pour quoi (ou qui) ? Quand on transpose le spectacle dans la réalité de l'affaiblissement des armées nationales européennes et des pouvoirs politiques nationaux depuis des années, toute cette gesticulation a l'air assez ridicule ...

Si la préparation à l’entrée dans un conflit militaire classique contre la Russie est assez peu probable à ce jour, tout ce cinéma produit déjà des effets ... en Europe, qui semble d’ailleurs en être le véritable destinataire. Depuis des années, l’UE avait pris en main les pays européens, réduisant leur souveraineté à peau de chagrin. Mais depuis l’accélération du conflit ukrainien ces derniers mois, ceux-ci semblent totalement absents. Comprenez-moi bien : ils sont présents sur la scène médiatique, Macron envoie des armes en Ukraine et se promène en Roumanie, Boris Johnson va faire une visite à Kiev, chacun y va de sa déclaration de soutien à l’Ukraine. Ils gesticulent, ils parlent, ils voyagent ... mais ils ne décident, ni de ce qu’ils font, ni de ce qu’ils disent. Ils remplissent manifestement le rôle qui leur est attribué dans ce jeu atlantiste, condition à laquelle ils peuvent rester dans le jeu. Sinon, comment expliquer cet aveuglement volontaire et collectif face au néonazisme en Ukraine, qu’ils nient tous, bien disciplinés, n’ayant même plus peur de se discréditer face à l’évidence ? Sinon comment expliquer pourquoi ces dirigeants nationaux défendent des intérêts, qui vont à l’encontre de l’intérêt national des pays qu’ils dirigent ?

L’OTAN est incapable, comme structure militaire, de servir à faire peur à la Russie. En revanche, elle est indispensable pour tenir en main politiquement les pays européens et elle a besoin de leur peur pour exister. Remarquables lignes dans Le Monde, d’une sincérité peu commune, «La demande d’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord donne un nouvel élan à l’alliance militaire, au grand dam de la Russie». Aucune explication rationnelle sur le fond : en quoi cette adhésion va renforcer la stabilité internationale. Mais l’accent est mis sur le véritable but de cette opération d’élargissement : renforcer l’OTAN. Nous sommes bien dans un cercle vicieux, dans lequel l’OTAN monte le discours d’une responsabilité de la Russie pour tous les maux de la Terre et entretient en sous-main le développement des rapports conflictuels, qu’il lui attribue ensuite.

Que ne peuvent nos dirigeants se rappeler les mots de Zeus dans l’Odyssée d’Homère : «Ecoutez les mortels mettre en cause les dieux ! C’est de nous, disent-ils, que leur viennent les maux, quand eux, en vérité, par leur propre sottise, aggravent les malheurs assignés par le sort.». Si seulement les dirigeants européens pouvaient reprendre le sort des pays européens en main, au lieu de les laisser dériver dans les marécages atlantistes, ce conflit prendrait fin immédiatement.

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