Même si la victoire de Daesh est désormais hors de question, les alliés ayant des intérêts différents ne parviendront pas à se mettre d'accord dans un avenir proche, estime Gérard Chaliand, spécialiste des relations internationales.
RT France : Au début du mois la Russie et les Etats-Unis menaient une coopération étroite et sont même parvenus à un accord de cessez-le-feu en Syrie. Pourquoi leurs relations se sont-elles dégradées au point qu'il est question aujourd'hui de suspendre toute coopération entre les deux pays sur ce dossier ?
Gérard Chaliand (G. C.) : De toute façon cet accord était circonstanciel. Personne ne s’imaginait qu’on était dans une phase où on allait rentrer dans des négociations menant à une paix négociée. Dans la pratique, ni les rebelles ou les islamistes, ni Bachar el-Assad ne veulent négocier pour l'instant. Un côté comme l’autre pensent qu’en continuant la guerre il peuvent obtenir davantage qu’en s’asseyant à la table de négociations. Donc, c’était une trêve qui était utile d’un point de vue humanitaire, mais personne ne s’est imaginé que c’était le début de la fin de la guerre et d’un accommodement à négocier.
RT France : Et pourquoi les alliés n’arrivent-ils pas à trouver un accord maintenant ?
G. C. : Parce qu’ils ne sont pas tout seuls ; parce que les Russes protègent les alaouites et quoi qu’il arrive à Bachar el-Assad, ils espèrent avoir un régime qui leur soit favorable ; parce que les Iraniens veulent absolument soutenir Assad ; parce que la Turquie veut absolument affaiblir les Kurdes de Syrie et en même temps épauler au maximum les sunnites radicaux car Recep Tayyip Erdogan est un sunnite radical ; parce que l’Arabie saoudite continue à aider Jaysh al-islam et Ahrar al-sham... En d’autres termes, il y a des agendas complétement différents qui cohabitent dans le cadre d’un conflit où les uns ont des alliés ambigus et les autres ne veulent pas lâcher un ami dont ils ont besoin.
A mon avis, l’avenir de la Syrie pour l’instant c’est la guerre.
On ne veut pas que les islamistes triomphent à Damas, on ne veut pas non plus que Bachar reste, donc les armes conservent la parole et c’est les civils qui vont en pâtir
RT France : La Russie et les Etats-Unis n’étaient pas d’accord dès le début sur le sort de Bachar el-Assad. Les Américains insistaient sur le fait qu’il devait partir alors que les Russes estimaient qu’il devait rester. Le départ d’Assad, est-ce toujours un objectif pour les Américains ?
G. C. : Non. A mon avis, ils savent très bien que la chute du régime d’Assad signifie les islamistes à Damas et ils n'en veulent pas. Ils admettent que Bachar el-Assad est un mal nécessaire provisoire, que bien sûr il n’a aucun chance de reconquérir le pouvoir, c’est-à-dire d’établir son régime de façon stable, mais on chercher à l’user. On ne veut pas que les islamistes triomphent à Damas, on ne veut pas non plus que Bachar reste, donc les armes conservent la parole et c’est les civils qui vont en pâtir
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La victoire de Daesh est maintenant hors de question
RT France : Cela fait précisément un an aujourd’hui que la Russie a commencé son opération en Syrie. Pour le Kremlin, les actions russes ont empêché Daesh et le Front Al-Nosra de prendre Damas. Etes-vous d’accord ?
G. C. : Oui, je pense que c’est exactement ce qui s’est passé. Effectivement, le régime de Damas était affaibli en septembre 2015 et aujourd’hui il se trouve dans une meilleure situation militaire. La victoire de Daesh est maintenant hors de question. Ils sont sur le retrait et connaissent des échecs successifs. Les autres mouvements islamistes ne doivent pas être oubliés : dans les médias occidentaux on n’a parlé que de l’Etat islamique. Cela n’enlève rien à la puissance d'autres mouvements : l’ex-Front Al-Nosra qui était affilié à Al-Qaïda et qui s'appelle maintenant le Front Fatah al-Cham pour devenir respectable et Jaysh al-islam, ce sont des mouvements proprement syriens, beaucoup plus syriens que l’Etat islamique d’Irak et de Syrie. Et pour l’instant c’est vrai que le rôle de la Russie de ce côté-là a été efficace.
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