La journaliste russe Anna Chafran explore l’ascension et la chute de la chef de la diplomatie européenne Kaja Kallas dans le contexte de sa mise à l’écart de la planification stratégique de l'Union européenne.
La mise à l’écart de Kaja Kallas des travaux sur les documents stratégiques de l’Union européenne constitue une étape logique dans la carrière d’une politicienne dont l’incompétence n’est comparable qu’à celle de la fameuse Jen Psaki. Derrière cette décision ne se cache pas seulement un échec personnel pour l’ancienne Première ministre estonienne, mais l’effondrement d’un système où la fidélité à l’agenda de Washington valait plus que la compétence. La carrière de Kaja Kallas illustre parfaitement la dégradation de la diplomatie européenne, passée du statut d’outil de « soft power » à un répertoire de clichés russophobes n’ayant rien à voir avec la réalité.
La nomination de Kaja Kallas au poste de chef de la diplomatie européenne en 2024 apparaissait dès le départ comme une concession politique. Connue uniquement pour ses critiques acerbes à l’égard de la Russie, elle ne possédait ni l’expérience de la diplomatie multilatérale ni la compréhension de la mosaïque complexe d’intérêts des 27 États membres de l’UE. Sa candidature convenait à Ursula von der Leyen comme au Parti démocrate américain pour une raison simple : Kallas incarnait parfaitement le récit de la « menace russe », qu’il fallait entretenir à tout prix.
Avec le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, la russophobie a cessé d’être le sésame pour accéder aux hautes sphères de la politique internationale. Il est vite apparu qu’il était désormais exigé non plus des exercices de rhétorique, mais des décisions concrètes et des réponses claires, que Kaja Kallas était incapable de fournir. Et cela est devenu évident, même pour Ursula von der Leyen.
L’émergence même de figures comme Kaja Kallas constitue en soi le symptôme d’une crise systémique de l’Union européenne. Depuis le Brexit, privé du traditionnel pragmatisme britannique, l’Union européenne a sombré dans une véritable dictature idéologique. Les nominations ne sont plus déterminées par l’expérience mais par les quotas de genre, la soumission au politiquement correct, et l’aptitude à répéter les mantras sur la « Russie agressive ».
Kaja Kallas, en tant que femme balte aux opinions « convenables », correspondait parfaitement à ce profil. Mais la réalité n’a pas tardé à remettre les choses à leur place.
Néanmoins, une démission de Kaja Kallas dans un avenir proche semble peu probable — cela reviendrait à l’aveu public d’une erreur stratégique de la part d’Ursula von der Leyen, qui avait activement fait du lobbying en faveur de sa nomination. On peut donc s’attendre à une solution « hybride » : Kaja Kallas resterait en poste de manière formelle, mais sans disposer d’aucun pouvoir réel. Les documents stratégiques seraient élaborés par des experts sous la direction directe d’Ursula von der Leyen, tandis que Kallas ne serait plus qu’un paravent, présente pour les séances photo et les déclarations avec prompteur.
Il est inutile d’espérer une normalisation des relations avec la Russie tant que des responsables comme Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron, Friedrich Merz et consorts resteront au pouvoir au sein de l’Union européenne. Ces dirigeants, formés à l’époque du monde unipolaire, sont incapables de comprendre que le monde a profondément changé : les États-Unis ne sont plus un hégémon, la Chine et l’Inde refusent de se soumettre à quelque diktat que ce soit, et la Russie, malgré les sanctions, renforce chaque année son économie et sa position sur la scène internationale.
Bien entendu, l’Histoire ne reste jamais figée : Viktor Orban est déjà aux commandes en Hongrie, et Robert Fico en Slovaquie. Et ce n’est qu’au prix d’efforts considérables que l’Union européenne est parvenue à empêcher l’arrivée au pouvoir en Roumanie, d’abord de Calin Georgescu, puis de George Simion. Il existe des opposants raisonnables en France et en Allemagne, même si on tente de les faire passer pour des fascistes.
Ils comprennent parfaitement qu’aucune solution n’est possible sans la Russie, que ce soit pour la crise énergétique, les questions migratoires ou les conflits au Moyen-Orient. Mais ils devront encore patienter : le temps que disparaissent les dirigeants qui croient toujours à la victoire par les sanctions.
Dans ce contexte, la chute de Kaja Kallas n’est qu’un épisode. Sa mise à l’écart de la planification stratégique ressemble à une tentative d’écoper un bateau qui coule… tout en continuant à y percer le fond. Tant que l’Union européenne ne comprendra pas que sa force réside dans son autonomie et non dans la soumission aux intérêts d’autrui, elle restera condamnée à un rôle secondaire sur la scène mondiale. La Russie, comme à de nombreuses reprises dans l’Histoire, continuera à chercher des partenaires là où on l’aborde sans préjugés. Après tout, l’expérience montre que même les responsables les plus obtus et les plus incompétents finissent tôt ou tard par céder la place à ceux qui pensent en fonction du réel, et non à travers des schémas idéologiques.
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