L’ambassadrice américaine en Australie Caroline Kennedy a laissé entendre que Julian Assange pourrait retourner dans son pays natal s’il accepte de plaider coupable. L'administration américaine chercherait-elle une porte de sortie ?
L’ambassadrice des États-Unis en Australie Caroline Kennedy a estimé, le 14 août dernier, que le fondateur de WikiLeaks Julian Assange pourrait regagner sa patrie en échange d’une reconnaissance de culpabilité. Aussi a-t-elle ajouté qu’un tel accord relevait du domaine du ministère américain de la Justice plutôt que des diplomates, mais qu’il est «absolument» possible.
Des analystes politiques ont noté que les discussions sur son éventuelle extradition vers son pays natal intervenaient sur fond de rapprochement politique entre les États-Unis et l’Australie. Cependant, il est peu probable que le fondateur de WikiLeaks y retourne, compte tenu de l’ampleur des dégâts qu’il a causés à la réputation et à la sécurité nationale des Etats-Unis d'Amérique.
Il pourrait absolument y avoir une solution.
Julian Assange pourrait rentrer en Australie s’il reconnaît sa culpabilité dans le cadre d’un accord de plaidoyer avec la justice américaine, a déclaré l’ambassadrice des États-Unis à Canberra Caroline Kennedy. Elle a précisé que la question concernant l’avenir d’Assange, menacé d’extradition aux États-Unis, avait une «solution». Cela dit, la diplomate a souligné que tout éventuel accord relevait de la «prérogative du ministère américain de la Justice».
«Il ne s’agit pas vraiment d’une question diplomatique, mais je crois quand même qu’il pourrait absolument y avoir une solution», a-t-elle déclaré aux médias australiens.
Un procès sans fin
Lors d'une visite à Canberra fin juillet, le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait pour sa part laissé entendre que l’avenir du fondateur de WikiLeaks était une question très sensible pour Washington.
«Assange est accusé de comportement criminel très grave aux États-Unis en rapport avec son rôle présumé dans l’une des plus grandes compromissions d’informations classifiées dans l’histoire de notre pays», a déclaré Antony Blinken à l’issue de pourparlers avec les hauts responsables australiens.
De son côté, le Premier ministre australien Anthony Albanese a affirmé que son gouvernement continuerait à lutter pour obtenir la libération du fondateur de WikiLeaks. «Nous restons très fermes sur notre position et nos déclarations au gouvernement américain, et nous continuerons à le faire», a-t-il indiqué, cité par des médias.
La déclaration de l’ambassadrice des États-Unis sur la possibilité pour Julian Assange de rentrer dans son pays natal a suscité un certain optimisme chez les défenseurs du journaliste ainsi que chez plusieurs politiciens australiens.
Ainsi, selon son frère Gabriel Shipton, producteur de films, Washington chercherait ainsi à éviter que tous les faits de corruption et les crimes commis par les autorités américaines soient encore une fois énumérés dans la salle du tribunal qui devrait trancher l’affaire en cas d’extradition de Julian Assange aux États-Unis.
L'administration américaine cherche donc vraiment une porte de sortie pour une procédure extrêmement controversée en matière de liberté de la presse.
«Cela montre qu’ils ne veulent pas que cette histoire soit reprise par la justice américaine, surtout en plein cycle électoral. L'administration américaine cherche donc vraiment une porte de sortie pour une procédure extrêmement controversée en matière de liberté de la presse», a souligné Gabriel Shipton dans son entretien avec Sky News Australia.
Selon lui, en cas d'extradition en Australie, il faudrait qu’Assange soit immédiatement libéré car il a déjà passé suffisamment de temps en prison.
Dan Tehan, ministre de l’Immigration «fantôme» [membre du Shadow Cabinet australien], a de son côté indiqué que Canberra saluerait la fin des poursuites, mais que la décision définitive relevait de la compétence du ministère américain de la Justice.
«L’essentiel, à mon avis, est que nous devons respecter leur système de justice ainsi que leurs procédures. Néanmoins, si l’on arrivait à mettre un terme à cette affaire extrêmement longue, je pense que nous serions tous heureux de cela», a-t-il déclaré.
Pour rappel, Washington a entamé les poursuites contre Julian Assange en 2010, après la publication sur le portail WikiLeaks de centaines de milliers de documents qui relataient notamment des actes commis par l’armée américaine au Moyen-Orient, mais aussi des mesures adoptées par Washington, contestables et dissimulées à l’opinion publique, sous prétexte d’intérêts de la sécurité nationale.
En 2012, le journaliste australien vivait au Royaume-Uni. Redoutant une extradition aux États-Unis, Julian Assange a trouvé refuge à l’ambassade d’Équateur à Londres où il a demandé asile. En 2019, le président équatorien de l’époque, Lenin Moreno a invalidé l’asile accordé au journaliste et l'a déchu de sa nationalité équatorienne.
Après sept ans d’isolation dans l'ambassade équatorienne, le fondateur de WikiLeaks a été arrêté et incarcéré dans la prison de Belmarsh, à Londres.
Cela fait plus de quatre ans que Washington œuvre pour parvenir à l’extradition de Julian Assange aux États-Unis, où ce dernier risque jusqu’à 175 ans de prison, en vertu de 18 chefs d'accusation.
Les avocats de Julian Assange tentent d’empêcher son extradition aux États-Unis. En 2022, un tribunal britannique a bloqué son extradition en recevant l’appel fait par sa défense. Toutefois, la décision a ensuite été annulée et Priti Patel, secrétaire d’État britannique à l’Intérieur, a validé l’extradition. En juin dernier, l'épouse du journaliste a affirmé que son mari saisirait la justice britannique en dernier recours pour tenter de bloquer son extradition aux États-Unis.
Un coup porté à la réputation américaine
La déclaration de la diplomate américaine Caroline Kennedy évoquant un éventuel accord démontre que les États-Unis prennent conscience des dommages causés à leur réputation par les poursuites entamées contre Julian Assange, a indiqué à RT l'analyste politique Malek Doudakov.
«Les Américains insistent pour qu’Assange soit extradé aux États-Unis. Toutefois, les déclarations portant sur un accord avec la justice américaine démontrent que les États-Unis commencent à prendre conscience des dommages causés à leur réputation par leurs tentatives de condamner à perpétuité une personne devenue la victime de poursuites clairement politiques après avoir divulgué des faits de crimes de guerre», a précisé l'expert.
Néanmoins, l’option de voir Julian Assange rentrer en Australie, puis libéré, ne semble pas très réaliste pour le moment, a-t-il ajouté.
«Le scénario idéal serait qu’Assange plaide coupable et retourne en Australie, peut-être en résidence surveillée ou à condition que sa liberté soit restreinte, mais je ne suis pas sûr que ce soit réaliste», suggère l’expert.
Le principal problème dans la réalisation d’un tel scénario est que Canberra n’est pas un partenaire sur un pied d'égalité avec Washington et que l'Australie ne dispose d’aucun levier de pression. Elle ne peut que demander aux États-Unis de faire ce geste, fait encore remarquer l’analyste politique.
«Il y a un certain rapprochement entre ces pays, mais l’Australie n’est pas un acteur ayant un niveau lui permettant de négocier avec les Américains. Canberra peut exprimer ses souhaits, mais en fin de compte, les États-Unis feront ce qu’ils veulent, étant donné que l’Australie est désormais largement dépendante d’eux dans le domaine militaire», a commenté Doudakov.
Assange ne sera jamais renvoyé en Australie. Il sera extradé aux États-Unis.
De son côté, Vladimir Brouter, expert à l’Institut international d’études humanitaires et politiques, estime que le fondateur de WikiLeaks sera tôt ou tard extradé aux États-Unis et passera le reste de sa vie en prison.
«Assange ne sera jamais renvoyé en Australie. Il sera extradé aux États-Unis dans un certain laps de temps. Cela ne se produira pas immédiatement, un autre appel sera examiné, il restera dans la prison britannique pendant ce temps-là», a souligné l’expert lors d'un entretien avec RT.
Les États-Unis veulent punir Julian Assange de façon exemplaire, car il a porté atteinte à leur réputation et à leur système de sécurité nationale, explique Vladimir Brouter.
«Assange ne peut pas être libéré, ce qu’il a fait est totalement inacceptable du point de vue de l’establishment politique américain et il doit être puni de façon exemplaire. S’il est libéré et qu’il communique librement avec les médias et s’exprime publiquement, ce sera un coup dur porté à la réputation de Washington en tant qu’hégémon mondial. Il en résulterait qu’une personne peut dévoiler les affaires secrètes de Washington sans que rien ne lui arrive. Il est très important pour les États-Unis que tous ces individus soient punis de la manière la plus sévère possible. Une situation semblable s’est produite avec Snowden, excepté que celui-ci a réussi à s’enfuir pour se retrouver hors de portée de la justice extraterritoriale américaine», a déclaré l’analyste.
Aucune accusation n’a été portée contre Julian Assange en Australie. Aucune procédure judiciaire n’a été ouverte. Cela veut dire que sa remise à Canberra signifierait effectivement sa libération, soutient Vladimir Brouter.
« Ce serait une défaite politique importante pour les États-Unis. Tant qu’Assange se trouve dans la prison britannique, la question n’est pas si sensible pour Washington, car on sait que les autorités britanniques ne le relâcheront pas. En outre, Londres légitime l’ensemble du processus en prétendant qu’il existe une procédure judiciaire objective avec des appels et l’examen de ces appels. Mais le Royaume-Uni ne le laissera pas partir en Australie, même si Washington et Canberra sont récemment devenus très proches», a conclu l’expert.