Variant Omicron : les pays du Nord se barricadent, l’Afrique australe dénonce une «afrophobie»
Identifié mi-novembre en Afrique du Sud par le Réseau de surveillance génomique du SARS-CoV-2, mis en place depuis avril 2020 avec la Grande-Bretagne, le variant B.1.1.529, présente plus de 30 mutations comparé à la souche «sauvage» du Covid-19.
En Europe et ailleurs, plusieurs pays ont annoncé des mesures restrictives concernant l’arrivée de voyageurs en provenance d’Afrique australe après la découverte d'un nouveau variant face auquel les vaccins actuels pourraient être «moins efficaces». Une décision vivement contestée par les pays africains visés par ces restrictions, qui dénoncent une stigmatisation du continent et appellent à un partage plus équitable des vaccins entre pays du Nord et pays du Sud.
Le chef de l'ONU "très préoccupé" par l'isolement de l'Afrique australe
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est dit lundi très préoccupé par l'isolement de l'Afrique australe, visée par des mesures de restriction de voyages en réaction au nouveau variant Omicron.
«Le peuple africain ne peut pas être tenu responsable du niveau immoralement bas des vaccins disponibles en Afrique, et ne devrait pas être pénalisé pour avoir identifié et partagé des informations scientifiques et sanitaires essentielles avec le monde», a-t-il dénoncé dans un communiqué. «Comme d'autres et moi le disons depuis longtemps, des faibles taux de vaccination constituent un terrain propice au développement des variants», ajoute-t-il.
«Je suis très préoccupé par l'isolement des pays d'Afrique australe dû aux nouvelles restrictions liées au Covid-19», a déclaré Antonio Guterres, au moment où de nombreux pays ont choisi de fermer leurs frontières aux voyageurs venant de cette région.
L'Afrique du Sud juge «tristes» les restrictions de voyage sur le continent
L'Afrique du Sud, où a été détecté le nouveau variant du Covid-19 baptisé Omicron, a jugé lundi «triste» et «regrettable» que certains pays africains suivent le vent de panique et imposent des restrictions de voyage sur le continent.
L'annonce jeudi par les scientifiques du pays d'Afrique australe qui ont détecté le variant a provoqué la réaction de nombreux pays comme la France, les Etats-Unis ou encore les Philippines qui, en quelques heures, ont décidé d'interdire sur leur territoire des voyageurs en provenance de la région.
«Il est tout à fait regrettable, malheureux, et je dirais même triste que des pays africains aient imposé des restrictions de voyage», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Clayson Monyela, lors d'une conférence de presse en ligne organisée par le ministère de la Santé.
Le Rwanda a annoncé dimanche la suspension des vols directs à destination et en provenance de neuf pays d'Afrique australe, et imposé une quarantaine dans des hôtels pour les voyageurs arrivés au cours des sept derniers jours.
Maurice avait auparavant annoncé suspendre «avec regret» tous les vols en provenance d'Afrique australe, tout comme les Seychelles. L'Angola a annulé les vols avec le Mozambique, la Namibie et l'Afrique du Sud jusqu'à nouvel ordre.
«Ce que je ne comprends pas, c'est que certains des pays africains qui agissent ainsi connaissent les difficultés pour le continent lorsque les pays européens prennent une telle décision», a expliqué Clayson Monyela, ajoutant que le ministère est actuellement en discussion avec les gouvernements en question.
L'Afrique du Sud redoute des conséquences sur son économie et notamment le tourisme. Ces restrictions «doivent être annulées immédiatement», a poursuivi le porte-parole, rappelant que l'Afrique du Sud a récemment fait des «dons substantiels» de vaccins à certains des pays qui imposent actuellement des interdictions de vol.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a exigé dimanche la «levée immédiate et urgente» des restrictions, les jugeant dépourvues de «justification scientifique».
Les décisions concernant le Covid doivent s'appuyer sur des faits scientifiques, pas sur de l'afrophobie
Le président du Malawi, Lazarus Chakwera, a quant à lui accusé les pays occidentaux d'«afrophobie» en fermant leurs frontières. Le Botswana, où le variant a été «signalé» pour la première fois, selon les scientifiques, a également mis en garde contre la «géopolitisation» du virus.
De nombreuses incertitudes planent encore sur la dangerosité et la transmissibilité du variant aux multiples mutations. Mais les experts redoutent qu'il soit extrêmement contagieux et échappe à certaines parties du système immunitaire.
L'Afrique du Sud a déjà constaté ces dernières semaines une hausse des contaminations et des hospitalisations. Près des trois quarts des cas signalés récemment sont dus au variant Omicron.
Pays africain officiellement le plus touché par la pandémie, l'Afrique du Sud compte plus de 2,9 millions de cas et près de 89 800 morts. Moins d'un quart des Sud-Africains sont complètement vaccinés, plus qu'ailleurs en Afrique mais loin derrière le reste du monde.