Colombie : des dizaines de milliers de manifestants malgré la répression et les négociations
Pour la troisième semaine consécutive, en dépit de la répression, les Colombiens ont défilé par dizaines de milliers le 19 mai contre la politique gouvernementale. Pour le moment, les négociations souhaitées par le président Ivan Duque patinent.
Etudiants, travailleurs, communautés autochtones et organisations sociales : les Colombiens sont encore sortis en masse dans les grandes villes de Colombie le 19 mai pour la 22e journée consécutive, en dépit de la répression. Des dizaines de milliers de personnes ont ainsi défilé à Bogota, Cali, Medellin et dans plusieurs autres villes du pays à la veille de nouvelles négociations avec le gouvernement pour trouver une issue à la crise sociale et politique qui a éclaté le 28 avril.
Les violences en marge des manifestations pacifiques ont fait 42 morts et plus de 1 700 blessés, selon les autorités. L'ONG Temblores qui recense les victimes de la répression policière avance le chiffre de 51 morts depuis le début des protestations dont 43 auraient été tuées par les forces de l'ordre. Le Comité national du chômage, organisateur des protestations, a porté à 50 le nombre de morts pendant les manifestations et les a attribués à «la brutale violence policière déclenchée» contre les manifestants.
Le cas d'Alison Méndez, une adolescente de 17 ans qui s'est suicidée après avoir rapporté sur les réseaux qu'elle avait été abusée sexuellement par plusieurs policiers a suscité une vive émotion dans le pays et de nombreux hommages lui ont été rendus. En tout, Temblores fait état de 18 victimes de violences sexuelles lors des manifestations.
Acá le presentamos los cifras de violencia en el marco de las movilizaciones entre @TembloresOng e @Indepaz. https://t.co/MoGUiOrt6f
— Temblores ONG 🐘 (@TembloresOng) May 19, 2021
La contestation remporte des victoires
La mobilisation massive et pour le moment infatigable a permis un certain recul de la part du gouvernement de droite radicale d'Ivan Duque. Ainsi, le Congrès a archivé le 19 mai le projet de loi de réforme de la santé. Le retrait de cette réforme était l'une des revendications du Comité national du chômage qui estime qu'elle implique des privatisations dans ce secteur déjà fortement externalisé. La décision sur ce projet de loi controversé est considérée comme une victoire de plus pour les protestataires, après le retrait de la réforme fiscale début mai qui avait été à la source de la grève nationale commencée le 28 avril.
Devant la pression internationales et les condamnations de l'ONU face à la répression, le gouvernement Duque a proposé d'ouvrir un dialogue dans l'espoir de faire cesser les mobilisations. Mais pour le moment, les premières discussions tenues en début de semaine, n'ont pas abouti. Les parties restent divisées quant aux excès des forces de l'ordre.
Si le président Ivan Duque promet la gratuité des frais universitaires pour les plus modestes, et des facilités de crédits au logement pour les jeunes, il se refuse à admettre une répression généralisée et s'est limité à condamner des «cas» isolés d'abus policiers, tout en dénonçant le «vandalisme» et les barrages routiers, causes de destructions et de pertes économiques importantes, surtout dans le sud-ouest du pays.
Son prédécesseur et Prix Nobel de la Paix (pour avoir signé un accord de paix avec les Farc en 2016), Juan Manuel Santos, a appelé le gouvernement à assumer les excès des forces de l'ordre. «Nous avons besoin de davantage de gestes, nous avons besoin que les différentes parties montrent plus d'empathie et plus d'humilité, que l'Etat admette "Nous avons commis des abus"», a-t-il déclaré à la Radio.
Le 25 mai, Le ministre colombien de la Défense devra faire face à une motion de censure au Congrès pour les actions de la force publique dans les manifestations.
Meriem Laribi