La France a-t-elle escorté des migrants avant de les abandonner dans les eaux britanniques ?
Selon plusieurs médias britanniques, des gardes-côtes français auraient escorté une embarcation de migrants tentant de traverser la Manche, avant de les abandonner au niveau de la frontière maritime avec la Grande-Bretagne.
La France a-t-elle escorté une embarcation de migrants avant de les abandonner dans les eaux britanniques ? C'est ce qu'affirment les médias d'outre-Manche The Telegraph et Daily Mail, joignant à leur récit une série de photos dans lesquelles on peut voir qu'au moins quatre femmes et trois enfants faisaient partie d'une embarcation de fortune composée d'une quinzaine de personnes. Il s'agirait de ressortissants afghans.
Le journaliste du Telegraph Jamie Johnson rapporte avoir lui-même assisté à l'incident, alors que le Daily Mail se base de son côté sur un témoin disant avoir observé la scène le 16 septembre depuis un bateau de pêche à environ 19 kilomètres de la ville de Folkestone (sud-est de l'Angleterre), près de la frontière maritime franco-britannique. On ignore si les deux témoins sont les mêmes ou non. Selon les médias britanniques, les images montreraient le moment où un bateau pneumatique rigide ou semi-rigide français, transportant deux gardes-frontières, a été envoyé à partir d'un plus grand navire afin de vérifier la situation de ces migrants. Et plutôt que de les empêcher d'entrer dans les eaux britanniques, ils auraient permis la poursuite de la traversée illégale, mais sans les escorter au delà de la frontière maritime.
Un passager du bateau de pêche depuis lequel les images ont été prises aurait déclaré avoir appelé la UK Border Force, les gardes-côtes britanniques, juste après 7h45, car il semblait que la petite embarcation surchargée était sur le point de couler. Il raconte, cité par le Daily Mail, que les migrants utilisaient des bouteilles en plastique découpées pour vider leur barque pneumatique qui prenait l'eau. Des gardes-côtes britanniques les auraient ensuite récupérés avant de les ramener à Douvres (sud-est de l'Angleterre). «Nous pensions que les gardes français allaient les reprendre mais ils ont continué à les escorter sur la voie nord-est de la Manche et dans les eaux britanniques. Ils les ont pratiquement jetés là-bas», a déclaré le témoin cité par le Daily Mail. «Nous avons appelé la Force frontalière [britannique] parce qu'il semblait qu'ils allaient couler. Le temps était très très agité et venteux», a-t-il poursuivi.
De son côté, la préfecture maritime de la Manche fait état de plusieurs opérations de sauvetage dans la journée du 16 septembre sans mentionner explicitement cet évènement. Une première intervention du navire de la gendarmerie maritime de Cherbourg, le P726 Aramis, a permis de sauver 17 personnes le 16 septembre au matin. En fin d’après-midi, sept naufragés ont pu être récupérés et déposés au port de Boulogne-sur-Mer, comme le groupe du matin.
«Les Français sont heureux de fournir un service d'escorte», accuse un député conservateur
L'incident présumé a en tout cas suscité la colère de politiques britanniques. Cité par le Daily Mail, le député conservateur Tim Loughton – qui siège à la commission parlementaire des affaires intérieures – a déclaré que cet incident était «une preuve supplémentaire que les Français sont heureux de fournir un service d'escorte aux personnes qui tentent illégalement d'entrer en Grande-Bretagne plutôt que de les ramener à leur point de départ». Même son de cloche pour Natalie Elphicke, députée de Douvres, qui a déclaré au Daily Mail : «La sécurité en mer commence par l'arrêt des petits bateaux quittant les côtes françaises en premier lieu. Ils doivent être ramenés à la première occasion.»
Par le passé, Londres a déjà appelé les autorités françaises à renvoyer davantage de bateaux, dans ce qui constitue un dossier épineux pour les relations entre les deux pays, mais la question du financement et des moyens alloués aux patrouilles poserait problème. En juillet, Priti Patel, secrétaire d'Etat à l'Intérieur, qui a promis de rendre cette route maritime «impraticable», a rencontré son homologue français Gerald Darmanin. Ils ont convenu de créer une unité commune de police pour lutter contre le trafic de migrants.
Depuis 2018, les tentatives de traversée de la Manche se multiplient. Selon la préfecture maritime française de la Manche et de la mer du Nord, entre le 1er janvier et le 31 août 2020, 6 200 migrants ont tenté leur chance.