Or du Venezuela : un juge britannique tranche en faveur de Guaido, «absurde» pour la BCV
La justice britannique a tranché en faveur de Juan Guaido, en tant que représentant du Venezuela, dans l'affaire de l'or vénézuélien conservé au Royaume-Uni. La Banque centrale du Venezuela, qui qualifie la décision d'«absurde», va faire appel.
Un juge britannique a estimé ce 2 juillet que l'opposant vénézuélien Juan Guaido était le «président par intérim» du pays, empêchant ainsi la récupération de 31 tonnes d'or déposées à la Banque d'Angleterre (BoE) par la Banque centrale du Venezuela (BCV), qui a annoncé faire appel. «La BCV fera immédiatement appel de la décision absurde et inhabituelle d'un tribunal anglais qui vise à priver le peuple vénézuélien de l'or dont il a un besoin urgent pour faire face à la pandémie de coronavirus», peut-on lire sur le compte Twitter de l'institution.
El BCV apelará inmediatamente la absurda e insólita decisión de un tribunal inglés que pretende privar al pueblo venezolano del oro tan urgentemente necesario para hacer frente a la pandemia de covid19. pic.twitter.com/pHT9obaxGn
— Banco Central de Venezuela (@BCV_ORG_VE) July 2, 2020
Les avocats représentant la BCV ont annoncé que l'appel serait interjeté au motif que le juge ignore «la réalité sur le terrain», a fait valoir Sarosh Zaiwalla, un des avocats de la BCV. Le verdict du tribunal de commerce anglais s'appuie sur l'argument selon lequel le gouvernement britannique «reconnaît sans équivoque» l'opposant Juan Guaido comme président de la République bolivarienne. Pour rappel, ce dernier s'est autoproclamé président du Venezuela fin janvier 2019 et a été reconnu comme tel par les Etats-Unis et l'ensemble de leurs alliés, dont l'Union européenne. Pourtant, Juan Guaido n'a été élu par aucun Vénézuélien à cette fonction, tandis que Nicolas Maduro a bien été élu en mai 2018.
Ce n'est ni plus ni moins qu'une spoliation
Mais depuis la reconnaissance par le ministre britannique des Affaires étrangères de l'opposant Juan Guaido en tant que président par intérim du pays en février 2019, la Banque d'Angleterre a systématiquement refusé à Caracas de lui rendre une partie de ses réserves d'or entreposée en son sein. Pour Romain Migus, journaliste et fondateur du site francophone d'actualités de l'Amérique latine Les 2 Rives, «ce n'est ni plus ni moins qu'une spoliation». Selon ce spécialiste, «Juan Guaido ne touchera rien de cet or, ou seulement un montant insignifiant pour services rendus, et les Britanniques vont le garder, comme les Européens ont fait avec Mouammar Kadhafi : ils n'ont jamais rendu son argent à la Libye».
Durant les audiences, les avocats de l'institut monétaire vénézuélien avaient fait valoir que, à travers ses relations diplomatiques avec le président Nicolas Maduro, le Royaume-Uni continuait de reconnaître l'autorité et la représentativité de son gouvernement, même s'il ne l'approuvait pas. Un argument qui n'a pas été entendu par la justice britannique.
Un milliard de dollars en lingots
Le Venezuela a effectué plusieurs demandes pour récupérer l'équivalent d'un milliard de dollars (environ 886 millions d'euros) de lingots, tandis que Juan Guaido a écrit à deux reprises à la BoE pour lui enjoindre de rejeter ces demandes de Caracas.
Face aux refus de la BoE, la Banque centrale du Venezuela avait donc fini par assigner la Banque d'Angleterre devant un tribunal, faisant valoir qu'elle avait besoin de ces fonds pour lutter contre la pandémie de Covid-19, tandis que le pays est en proie depuis plusieurs années à une grave crise économique, due en grande partie aux sanctions étasuniennes, et politique, après les nombreuses intrigues menées par Juan Guaido. «Ce résultat va encore retarder les choses, au détriment des Vénézuéliens dont la vie est menacée», a regretté Sarosh Zaiwalla.
Le défenseur du conseil d'administration alternatif de la BCV, nommé par Juan Guaido et invalidé par la Cour suprême, avait de son côté mis en avant le risque que l'or du pays soit dilapidé au profit de ses dirigeants. Afin de prouver sa bonne foi, la BCV avait proposé en avril que l'or soit transféré directement au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), qui s'est dit disposé à l'envisager sous conditions. Le résultat de ces audiences pourrait constituer un précédent pour les autres fonds vénézuéliens bloqués à l'étranger, et notamment dans les pays européens.
Allié de Washington et proche de narcotrafiquants colombiens
Contactée par l'AFP, la représentante de Juan Guaido à Londres, Vanessa Neumann, a assuré que l'intention de l'opposant, allié de Washington et proche de narcotrafiquants colombiens, avait toujours été de sauvegarder les actifs du peuple vénézuélien et non de s'approprier l'or. Elle avait assuré la semaine dernière à l'issue des audiences qu'il «serait mieux que cet or soit conservé ici jusqu'à ce qu'il y ait des élections justes et libres». En attendant, les Vénézuéliens restent privés de leur richesse, en pleine crise.
Les électeurs doivent renouveler l'Assemblée nationale cette année, mais les principales formations de l'opposition ont déjà annoncé qu'elles boycotteraient ces législatives. Elles les jugent par avance frauduleuses dans la mesure où la présidente du Conseil national électoral Indira Alfonzo a été nommée par le Tribunal suprême de justice (TSJ), considéré comme acquis au pouvoir du président socialiste vénézuélien Nicolas Maduro. Le boycott électoral est une pratique récurrente de l'opposition vénézuélienne. Du point de vue du gouvernement bolivarien, c'est lorsqu'elle craint de perdre que l'opposition utilise cette tactique consistant à dénoncer une fraude avant même la tenue du scrutin.
Meriem Laribi