Un commissaire européen explique comment les marchés dissuaderont les Italiens de voter «populiste»
Interrogeant un commissaire européen sur la crise politique italienne, un journaliste a tenté de retranscrire sur Twitter les propos de son interlocuteur. Malgré la suppression d'un premier tweet, une phrase du commissaire n'est pas passée inaperçue.
Le commissaire Günther Oettinger s'entretenait ce mardi 29 mai avec un correspondant du groupe télévisuel et web public allemand Deutsche Welle. Avant la diffusion de l'émission prévue le soir même, une bande annonce pour le moins polémique a été diffusée sur Twitter par le correspondant Bernd Thomas Riegert. Rapportant les propos du commissaire européen sur la crise politique italienne, un premier tweet était ainsi formulé : «"Les marchés vont apprendre aux Italiens à bien voter" m'a dit le commissaire Oettinger dans une interview exclusive réalisée à Strasbourg.»
Alors que la phrase a attiré l'attention de certains internautes, le journaliste allemand a dans un premier temps décidé de supprimer son tweet, ne tardant pas à le reformuler ainsi : «"Les marchés ainsi qu'une "sombre" perspective apprendront aux électeurs italiens à ne pas voter pour les partis populistes aux prochaines élections" m'a dit le commissaire Oettinger dans une interview exclusive réalisée à Strasbourg.»
The markets and a "darkened" outlook will teach #Italy's voters not to vote for populist parties in the next elections, told me #EU commissioner #Oettinger in my exclusive interview for @dwnews in Strasbourg. "I can only hope that this will play a role in the election campaign." pic.twitter.com/lSYczLYa2U
— Bernd Thomas Riegert (@RiegertBernd) 29 mai 2018
Manifestement peu satisfaits par cette nouvelle version, les internautes n'ont pas tardé à commenter ce deuxième tweet, celui-ci ayant généré plus de 200 commentaires en moins de deux heures.
Un premier internaute affirme par exemple «ne pas pouvoir y croire» et déclare que «le sens et l'attitude restent les mêmes».
AHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAH!
— Luca Tibaldi 🇮🇹 (@LucaTibaldi1) 29 mai 2018
I can't believe it.
He shows us what Oettinger said.
Everyone becomes angry against such racism and disrespect for democracy.
He changes what Oettinger said.
The meaning and the attitude remain the same.
Vai avanti così, geniooo!
Un autre dénonce la «même attitude fasciste» que dans le premier tweet.
New tweet version, same fascist attitude
— Roberto Mulazzi (@robertomulazzi) 29 mai 2018
Un troisième affirme que même en tant qu'«européen passionné» une telle déclaration lui paraît «inacceptable».
I'm a passionate pro-European, but this statement is unacceptable. Respect for Italians!
— Edoardo Cova Minotti (@EdCovaMinotti) 29 mai 2018
Ce nouvel afflux de commentaires n'a pas laissé le journaliste indifférent. Il a décidé en milieu d'après midi, de publier un troisième tweet dans lequel il affirme avoir initialement «mal retranscrit les propos commissaire», s'excusant «pour la confusion et l'erreur».
In my first Tweet on exclusive #Oettinger Interview I misquoted the commissioner. That‘s why I deleted it. It was meant to be a rapid reaction summary of the interview. I apologize for the confusion and the mistake. Please, read the translated quotes (still plenty there). #Italypic.twitter.com/2yEQSd5LRx
— Bernd Thomas Riegert (@RiegertBernd) 29 mai 2018
Enfin, la Deutsche Welle a publié sur son compte Twitter officiel un extrait vidéo dans lequel le commissaire européen évoque la crise politique italienne. S'exprimant en allemand, il affirme ainsi que «dans les semaines à suivre, l'évolution des marchés, des obligations d'Etat et du développement économique de l'Italie pourrait être à tel point radicale qu'elle serait le signal adressé aux électeurs pour ne plus voter pour les populistes de droite et de gauche».
EU Budget Commissioner @GOettingerEU on Italy:
— DW | Europe (@dw_europe) 29 mai 2018
"My concern, and my expectation is that the coming weeks will show that ... Italy's economic development could be so drastic that this could be a possible signal to voters not to choose populists from left and right." pic.twitter.com/9Ao8DaWlkt
Pouvez-vous imaginer un tel dédain pour la démocratie
Avant la publication de ce passage, les propos du commissaire européen retranscris par le correspondant Bernd Thomas Riegert avaient provoqué la colère du leader la Ligue, Matteo Salvini. Ainsi, ce dernier a publié une vidéo sur son compte Facebook dans laquelle il demande la démission de Günther Oettinger dont il fustige le ton menaçant : «Pouvez-vous imaginer un tel dédain pour la démocratie... [Günther Oettinger] devrait démissionner cet après-midi».
Depuis la formation de la coalition entre les antisystèmes du Mouvement 5 étoiles et les anti-immigration de la Ligue, d'autres mises en garde avaient déjà été adressées à l'Italie depuis l'étranger. Le 20 mai, Bruno Le Maire avait par exemple fustigé le programme du futur gouvernement, pointant les menaces qu'il ferait, d'après lui, peser sur la stabilité de la zone euro.
Fabien Rives