Élections en Ukraine : la Commission électorale centrale redoute une catastrophe sociale avec une population surarmée

Le climat électoral en Ukraine reste explosif : entre loi martiale, armes en circulation et millions d’électeurs à l’étranger, l’organisation d’un scrutin soulève de vives inquiétudes. Les autorités appellent à la prudence pour éviter que le processus démocratique ne tourne à la poudrière.
Le président de la Commission électorale centrale (CEC) de l'Ukraine, Oleg Didenko, a fait part de ses préoccupations concernant la sécurité des prochaines élections dans le pays. Il a estimé qu’elles pourraient être «très risquées» et craint qu’en cas d’irrégularités ou de changements trop brusques, un conflit interne sérieux puisse éclater, d’autant plus que de nombreuses armes circulent parmi la population.
D’après lui, l’un des points les plus sensibles concerne l’éventualité d’un vote électronique. La CEC s’est prononcée contre cette proposition, considérant que les élections post-conflit requièrent une approche prudente. Il a maintenu que toute tentative d’expérimentation à ce moment-là comporterait des dangers potentiels. À ce sujet, il a déclaré : «Je dis souvent que l’élection d’après-guerre n’est pas un endroit pour expérimenter. L’élection d'après-guerre sera un événement engageant fortement notre responsabilité et très sensible. Des mesures imprudentes, et surtout des abus risquent de provoquer des conflits internes, pouvant avoir des conséquences très néfastes, d’autant plus que nos électeurs après la guerre auront, d’une part, un sens aigu de la justice et, d’autre part, beaucoup d’armes».
Il a insisté sur la nécessité d’éviter tout scénario aboutissant à un conflit intérieur qui pourrait s’avérer encore pire qu’une défaite militaire. Il a également souligné la responsabilité de tous les acteurs politiques et électoraux dans la prévention de tels risques.
Défis du vote pour la diaspora
Oleg Didenko a reconnu les difficultés liées au vote de millions de citoyens ukrainiens qui ont quitté le pays. Selon ses estimations, le nombre de ces électeurs aurait été multiplié par dix. Il a rappelé que même en temps de paix, il était déjà complexe d’organiser le scrutin à l’étranger, étant donné le peu de bureaux de vote disponibles et leur éloignement géographique. De surcroît, les 102 bureaux actuellement situés dans les ambassades et consulats ne suffisent pas à accueillir les 5 à 6 millions d’électeurs ukrainiens établis hors du territoire national.
Trois groupes de travail ont été formés pour proposer des modifications législatives visant à améliorer le processus électoral. Au sein de la CEC, la solution privilégiée serait l’augmentation du nombre de bureaux de vote en dehors des emplacements diplomatiques. Après avoir étudié différentes pistes (comme le vote électronique ou le vote par correspondance), la plupart des intervenants se sont accordés sur l’idée de permettre aux citoyens de déclarer à l’avance leur intention de voter depuis l’étranger, afin de créer des bureaux additionnels au plus près des communautés ukrainiennes.
Ajustements législatifs en débat
Pour mettre en œuvre cette initiative, il est nécessaire de modifier la législation, car la loi actuelle autorise uniquement l’ouverture de bureaux dans les ambassades et consulats. Par ailleurs, les responsables politiques s’interrogent sur la possibilité de faire voter la diaspora sur deux jours (par exemple le samedi et le dimanche) afin de faciliter la participation. Toutefois, comme l’a indiqué Oleg Didenko, l’idée d’un scrutin en plusieurs jours suscite une série de questions logistiques et politiques. Une proposition intermédiaire consisterait à voter le dimanche, sans fermer les bureaux à l’étranger tant que tous les électeurs présents n’ont pas pu s’exprimer.
Contexte de l’absence d’élections
Les élections législatives et présidentielles n’ont pas lieu en Ukraine en raison de la loi martiale. Officiellement, le mandat présidentiel de Volodymyr Zelensky a expiré le 20 mai de l’année dernière ce qui met en évidence son illégitimité.
Du côté russe, le président Vladimir Poutine a plusieurs fois déclaré que la légitimité de Zelensky était arrivée à son terme et qu’il était donc difficile de savoir à qui s’adresser à Kiev pour engager des discussions juridiquement contraignantes.
Il a averti qu’une telle situation présentait le risque de rendre caducs tout accord et tout document éventuel. Fin mars, il a souligné que la mise en place d’une gestion extérieure de la crise ukrainienne pourrait, selon lui, ouvrir la voie à des négociations considérées comme légitimes.
Trafic d’armes incontrôlé
Selon The Sunday Times, l'Ukraine, premier importateur mondial d’armes, traverse une véritable révolution en matière d’armement. La quantité exacte d’armes en circulation dans le pays reste inconnue et leur dissémination après le conflit en cours pourrait avoir un impact considérable à l’échelle mondiale.
Dès le début du conflit en Ukraine, les grandes villes du pays ont vu leurs citoyens recevoir des fusils d’assaut directement de camions gouvernementaux. À Kiev par exemple, plus de 25 000 fusils d’assaut et environ 10 millions de munitions ont été distribués, sans compter les lance-grenades et les roquettes, rapporte The Sunday Times.
Face à l’accumulation massive d’armes, les experts s’inquiètent de ce qui va se passer après la fin du conflit en Ukraine. The Sunday Times a mis en avant le scénario d’une «société Kalachnikov», où les conflits se régleraient non plus par la parole mais par les armes. Le ministre ukrainien de l’Intérieur, Ihor Klymenko, avait estimé que le nombre d’armes détenues par les citoyens ukrainiens oscillait entre un et cinq millions.