Remaniement : quelle femme pourrait remplacer Edouard Philippe à la tête du gouvernement ?
Emmanuel Macron a besoin de redorer son blason en vue de la présidentielle de 2022. En premier lieu, il doit tenir une promesse datant de 2017 : nommer une femme Premier ministre. Laurence Tubiana et Florence Parly partent favorites.
L'heure du remaniement approche, et Emmanuel Macron devrait probablement nommer une femme s'il juge opportun de remplacer l'actuel locataire de Matignon, Edouard Philippe, récemment élu à la mairie du Havre.
Cette nomination pourrait permettre au président de renouer avec l'image d'un dirigeant «progressiste», quand la dernière et seule femme à avoir occupé la fonction, Edith Cresson, a réalisé un bref mandat de 11 mois entre 1991 et 1992. En outre, le chef de l'Etat a besoin de confirmer une quasi-promesse lancée lors de la campagne présidentielle de 2017.
Le 8 mars 2017, Emmanuel Macron déclarait en effet son «souhait» de nommer une femme au poste de Premier ministre lors d'une réunion publique, sous les applaudissements de plusieurs femmes : «Après je ne vais pas choisir un Premier ministre parce que c'est une femme [...] Je choisirai le Premier ministre le plus compétent possible avec le souhait et la volonté que ce soit aussi une femme.»
Pourtant, deux mois et une victoire à la présidentielle plus tard, Emmanuel Macron optait finalement pour un homme, en l'occurrence Edouard Philippe.
Elu maire du Havre le 28 juin, Edouard Philippe commence à faire de l'ombre au président, et des rumeurs faisant état de tensions au sein du couple exécutif et dans la majorité persistent. Son remplacement ne fait pratiquement plus aucun doute, selon les commentateurs. Qui serait alors susceptible de prendre la relève ? Deux noms reviennent régulièrement dans les coulisses de la politique : Laurence Tubiana et Florence Parly.
Laurence Tubiana, l'atout pour grappiller les voix écologistes ?
La première, Laurence Tubiana s'est illustrée dans ses fonctions de négociatrice internationale lors de la COP 21 en 2015 et lors de sa co-présidence du comité de gouvernance de la convention dite «citoyenne» pour le climat.
Autant dire qu'elle offrira la carte «écologiste» à Emmanuel Macron sans qu'il ait besoin de la piocher au sein du parti d'Europe Ecologie Les Verts. Après l'intervention publique du président le 29 juin, en réponse aux revendications de la convention climat, Laurence Tubiana avait d'ailleurs salué – en partie – le discours : «Le président a su répondre rapidement aux 150 citoyens de la convention, avec des engagements. Tant que les lois ne seront pas votées, les décrets appliqués, l’exercice ne sera pas achevé.»
Interrogée sur une éventuelle envie d'entrer au gouvernement, Laurence Tubiana la joue profil bas. Elle déclare ainsi le 29 juin sur RTL qu'une éventuelle entrée au gouvernement n'était «pas une question qui se [posait] aujourd'hui». «Donc on ne va pas en parler», ajoute-t-elle en souriant... Après une dernière relance pour savoir si son statut allait changer prochainement, elle répond : «On verra.»
Dans tous les cas, Emmanuel Macron a apparemment confiance en Laurence Tubiana. Celle-ci siège dans un comité Théodule, créé en 2018 par le président lui-même, le Haut Conseil pour le climat. Toutefois, son côté volontariste, voire militant, pour une écologie que certains perçoivent comme punitive, peut être un frein pour piloter un gouvernement dont l'objectif essentiel sera de rassurer les Français en vue de 2022.
Florence Parly, la carte du consensus
De ce fait, Emmanuel Macron pourrait être tenté de jouer la carte de la sécurité avec une personnalité moins clivante sur le papier, en promouvant son actuelle ministre des Armées, Florence Parly.
Directrice générale adjointe d'Air France, puis directrice générale de SNCF voyageurs, son profil d'entrepreneur colle avec l'image «probusiness» que souhaite se donner Emmanuel Macron. A la tête des Armées depuis 2017, Florence Parly fait consensus dans la majorité présidentielle, voire chez les minifrondeurs. Son passé socialiste pourrait effectivement rassurer la jambe gauche de LREM, celle-ci procédant à un lobbying pour peser davantage sur la fin de mandat.
En outre, l'action au Sahel et en Syrie de Florence Parly ne souffre que de peu de critiques. Il est certain, malgré tout, que le rôle de la France dans l'action internationale tient davantage à l'impulsion du président de la République. Ces trois dernières années, Florence Parly s'est rarement mise en avant, n'a pas recherché les feux des projecteurs et n'a pas affiché une conduite dissonante vis-à-vis de l'exécutif. Des points importants pour Emmanuel Macron qui aura, quant à lui, l'envie d'incarner une position jupitérienne sur le gouvernement et l'Etat.
En revanche, Emmanuel Macron pourrait sortir une carte surprise à Matignon afin de prendre de court l'ensemble de la presse et du milieu politique.
Les outsiders : Barbara Pompili, Agnès Pannier-Runacher, Aurore Bergé ou Nathalie Kosciusko-Morizet
Cette surprise pourrait être l’une des cautions écologiques de La République en marche, à savoir Barbara Pompili. Ancienne cadre d’Europe Ecologie Les Verts, elle rejoint les macronistes dès 2017. Annoncée partante du groupe LREM en mai 2020 après la création de la minifronde autour de Matthieu Orphelin et d’Aurélien Taché, elle fait finalement le choix de la loyauté en restant au sein du groupe majoritaire. Elle décide d'ailleurs de créer une association écologiste, «en Commun», au sein de LREM. Ce nonobstant, jusqu’à présent, Emmanuel Macron ne lui a pas encore accordé de portefeuilles importants. La marche pour être Premier ministre semble donc, pour l'heure, trop haute.
Si la crise sanitaire a freiné certaines ambitions et projets phares du quinquennat, le président n'a pas abandonné l'idée de replacer le vaste chantier des retraites dans l'agenda politique avant la fin du mandat. Dans Les Echos du 10 juin, un conseiller de l'Elysée confesse ainsi : «On voit mal le président se présenter devant les électeurs en 2022 en ayant abandonné quelque chose d'aussi central dans son programme.»
Chez les prétendantes, l'actuelle secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, pourrait être la personnalité idoine pour porter cette réforme économique. Elle a cependant été régulièrement mise en difficulté pour présenter ladite mesure, et ses sorties médiatiques controversées ont parfois dû faire l'objet d'une rectification au sein même de son secrétariat.
Autre personnalité qui ne fait pas forcément l'unanimité au sein de LREM, Aurore Bergé. La députée des Yvelines y incarne l'aile droite des marcheurs. Dans un moment sociétal au cours duquel Emmanuel Macron craint la percée des séparatistes et des communautaristes, Aurore Bergé a toujours adopté une attitude ferme sur ces questions, comme en témoigne son intervention du 15 octobre 2019 sur La Chaîne Parlementaire : «Je ne serai jamais du côté de ceux qui nous disent que porter un voile est une liberté accordée aux femmes. Ce n'est pas un facteur supplémentaire d'émancipation. Il faut arrêter d'inverser la notion de liberté dans notre pays !»
"Je ne serai jamais du côté de ceux qui nous disent que porter un voile est une liberté accordée aux femmes. Ce n'est pas un facteur supplémentaire d'émancipation. Il faut arrêter d'inverser la notion de liberté dans notre pays !" #Laicite@LCP#CVRpic.twitter.com/vsYzNAQrZw
— Aurore Bergé (@auroreberge) October 15, 2019
En cas de départ d'Edouard Philippe, Emmanuel Macron s'attacherait donc à maintenir la base électorale centre-droit. La nomination d'Aurore Bergé arriverait à point nommé, même si elle risque de froisser une frange des marcheurs. Les macronistes ont toujours en travers de la gorge sa prise de position, en octobre 2019, en faveur d'une proposition de loi du député Les Républicains (LR) Eric Ciotti visant à interdire le voile pour les accompagnantes durant les sorties scolaires.
Si Emmanuel Macron souhaite préserver l'aile droite et marcher sur les plates-bandes de LR, le choix d'une retraitée politique, Nathalie Kosciusko-Morizet, pourrait également créer la surprise de dernière minute. Son profil centre-droit écologiste (ancienne ministre à l'Ecologie et enseignante en écologie politique à Polytechnique), sarkozyste et de dirigeante (actuellement à New York pour mener des projets avec l'entreprise Capgemini) constitue un avantage. Toujours est-il que Nathalie Kosciusko-Morizet vient tout juste d'entamer sa reconversion dans le privé. Un retour dans l'arène semble donc précipité, notamment après une cuisante défaite lors des législatives de 2017 face à l'actuel patron des députés LREM, Gilles Le Gendre.
D'autres femmes sont pressenties pour entrer au gouvernement par leur macron-compatibilité comme Roselyne Bachelot, Ségolène Royal, voire Delphine Batho (qui a rejoint des dissidents LREM, largement favorables à la politique générale) ou la néolibérale Agnès Verdier-Molinié. Reste que ces derniers choix seraient porteurs d'un potentiel «disruptif» trop élevé.
Bastien Gouly