Le déclin de la lecture en France : un tournant culturel inquiétant

Une étude du Centre national du livre révèle une chute inédite de la lecture en France : 39 % des Français estiment lire moins, tandis que les écrans monopolisent leur temps. Le livre papier recule face au numérique et aux nouveaux usages.

La lecture, longtemps pilier de la culture française, traverse une crise silencieuse mais profonde. Selon une étude commandée par le Centre national du livre (CNL) et réalisée par Ipsos en 2025 auprès de 1 000 Français de 15 ans et plus, 39 % d’entre eux avouent une diminution de leur temps de lecture, un record en dix ans.

Publiée à l’approche du Salon du Livre au Grand Palais, cette enquête dresse un tableau alarmant : moins d’un Français sur deux (45 %) lit quotidiennement, un recul de 4 points en un an. Derrière ce désamour, les écrans s’imposent comme les grands gagnants, reléguant le livre à une activité de plus en plus marginale.

Un déclin généralisé au profit du temps d’écran

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2024, les Français ont lu en moyenne 18 livres, soit quatre de moins qu’en 2023. Ce déclin touche toutes les générations, mais frappe particulièrement les moins de 25 ans, passés de 29 à 21 livres par an, et les plus de 65 ans. Les femmes, traditionnellement plus lectrices, maintiennent une avance avec 4 h 26 de lecture hebdomadaire contre 2 h 48 pour les hommes. Pourtant, même elles ne résistent pas à la tendance. « On lit encore, mais autrement », note l’étude, soulignant l’émergence de formats courts, comme la « new romance » ou les mangas, plébiscités par les jeunes via les réseaux sociaux.

Le temps d’écran, lui, explose. Les Français passent en moyenne 3 h 21 par jour devant un écran de loisir, soit presque autant que leurs 3 h 40 de lecture hebdomadaire. Chez les 15-19 ans, ce déséquilibre est encore plus marqué : 5 h 19 d’écran quotidien face à 3 h 18 de lecture par semaine. « Les écrans cannibalisent définitivement la lecture », alerte le CNL. Plus d’un quart des lecteurs admettent d’ailleurs lire en jonglant avec des notifications ou des messages, une fragmentation qui érode la concentration.

Les genres littéraires évoluent aussi. La «new romance», mêlant sentimentalité et modernité, séduit 47 % des 15-19 ans, dépassant les mangas (44 % dans cette tranche d’âge). La «dark romance», plus audacieuse et controversée, attire plus d’un quart des jeunes. À l’inverse, les classiques, polars et beaux livres reculent. «Le besoin de s’évader domine désormais», observe l’étude, avec 25 % des lecteurs citant cette motivation, en hausse de 7 points.

Le support papier, symbole d’une époque, s’effrite : 13 livres lus en moyenne en 2024, contre 17 en 2023. Le numérique gagne du terrain, avec 15 % des Français lisant au moins cinq ebooks, un tiers chez les 15-34 ans. Le livre audio progresse également, porté par les smartphones. Pourtant, les bibliothèques, jadis vivier de lecteurs, s’étiolent : seuls 23 % des Français y empruntent des ouvrages, un plus bas historique.

Malgré ce sombre tableau, l’amour de la lecture persiste : 29 % des Français disent «adorer» lire. Mais face à la concurrence des séries, des réseaux sociaux et des écrans, cet attachement suffira-t-il à inverser la tendance ?