Le directeur éditorial du site madaniya.info René Naba analyse pour RT France le périple du Premier ministre français.
Premier déplacement diplomatique de Manuel Valls au Moyen-Orient depuis son accession à Matignon, il y a 18 mois, la tournée du premier ministre français en Égypte, Jordanie et Arabie saoudite, tend à accréditer l'idée d'une «grande politique arabe de la France» dans la grande tradition gaulliste, alors que la diplomatie socialo-atlantiste bat de l'aile et que ses alliés sont en panade.
Le socialiste paraît s'accrocher à l’Égypte comme à une bouée de sauvetage pour masquer le naufrage de sa politique arabe
En Égypte, Manuel Valls, amadoué par les fructueux contrats militaires (Rafale, Mistral) a mis l'accent sur le combat contre le terrorisme et non sur les «Droits de l'homme», dont son pays est supposé pourtant en être la «Patrie». Le socialiste dont le lointain prédécesseur Guy Mollet avait été l'artisan de l'agression tripartite de Suez, en 1956, il y a 59 ans, paraît s'accrocher à l’Égypte comme à une bouée de sauvetage pour masquer le naufrage de sa politique arabe.
Sans craindre le paradoxe, illustration erratique de la politique française, Manuel Valls, depuis le Caire, a apporté son plein soutien à Reccep Teyyeb Erdogan, alors qu'Ankara est pointé du doigt par de larges fractions de son opinion dans sa responsabilité dans l'attentat le plus meurtrier que la capitale turque ait connu. Erdogan, un président néo-islamiste, compagnon de route des Frères Musulmans, que le président égyptien Abdel Fattah Sissi combat farouchement.... Ah, le grand écart.
En termes de rentabilité opérationnelle, le déplacement Jordanie en valait la peine
En Jordanie, touche humanitaire d'une tournée affairiste, Manuel Valls a voulu donner un peu de visibilité à un Royaume qui cumule un double avantage aux yeux des socialistes français: celui d'être le meilleur allié souterrain d'Israël dans la zone et le siège du MOOC, le PC commun de l'alliance islamo-atlantiste pour le front de sud de la Syrie, (Région de Deraa et du Golan), une fonction équivalente de la Turquie pour le Front nord (Alep). Une opération de relations publiques à peu de frais, à grandes retombées médiatiques. En termes de rentabilité opérationnelle, le déplacement Jordanie en valait la peine.
En Arabie saoudite, où il va présider le forum économique franco-saoudien, gageons que Manuel Vall, ne pipera mot sur le Yémen victime d'une agression pétromonarchique depuis huit mois, avec le silence complice des pays occidentaux. Pas un mot non plus sur les décapitations continuelles. Mais continuer à donner des gages, continuer plutôt à couver le lait sur le feu la promesse saoudienne d'investir 50 milliards de dollars dans l'économie française anémiée.
En savoir plus : La visite de Manuel Valls au Moyen Orient, entre gros sous et diplomatie
Une piqûre anesthésiante pour encourager l'amnésie française sur les turpitudes saoudiennes, en somme, alors que le fils du Roi Mohamad Ben Salmane, l'homme fort du Royaume, vient tout juste de rentrer de Russie, pour son deuxième entretien avec Vladimir Poutine en 5 mois, indice indiscutable du déplacement du curseur géopolitique du Moyen Orient.
Fait notable: Manuel Valls, le plus philosioniste des dirigeants socialistes français, «lié d'un manière éternelle à Israël» s'est abstenu d'inclure l'Etat hébreu dans sa tournée.
A un mois d'une consultation régionale délicate pour les socialistes, gommer aussi et surtout ses positions ultra pro-israéliennes lors de la dernière offensive israélienne contre Gaza
Sans doute pour éviter la résurgence du souvenir de l'alliance ancienne de l'expédition de Suez (France-Royaume Uni et Israël), qui sera commémorée dans deux semaines, le 29 octobre. Éviter de suggérer une nouvelle alliance triangulaire Israël-France-Arabie saoudite dans la nouvelle épreuve de force régionale, en substitution à la triangulation ancienne de 1956.
A un mois d'une consultation régionale délicate pour les socialistes, gommer aussi et surtout dans la mémoire de l'opinion française ses positions ultra pro-israéliennes lors de la dernière offensive israélienne contre Gaza, en 2013.
Tels étaient les objectifs sous-jacents de cette tournée de Manuel Valls au Moyen-Orient: Rien d'autre qu'une valse à trois temps.
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