Les récents propos de Vladimir Poutine en faveur d'un contrôle international approfondi des armements, lors de l’Assemblée générale des Nations unies, ne sera suivi d’aucun effet, estime l'expert en défense Philippe Migault.
«Parler dans le vide» : la formule a rarement été aussi bien illustrée que par la récente Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci, Covid-19 oblige, s’est déroulée dans un bâtiment déserté, tout juste animé par le résonnement des discours retransmis par les écrans. Dans ce cadre, le discours de Vladimir Poutine, proposant un certain nombre de négociations en matière d’armement, est passé totalement inaperçu.
Le président russe s’est pourtant exprimé sur des sujets aussi sensibles que le contrôle des armes de destruction massive. Il a insisté sur la nécessité de prolonger le traité New Start, expirant en février prochain, qui limite le nombre de têtes nucléaires opérationnelles de la Russie et des Etats-Unis. Il a prôné la poursuite de la politique de contrôle des armements et le renforcement des traités existants, qu’ils portent sur les armes nucléaires, bactériologiques, chimiques ou sur le déploiement d’armes dans l’espace. L’expression de son visage ne laissait cependant aucune place au doute : il était parfaitement conscient d’énumérer une suite de vœux pieux destinés à demeurer inaudibles. Pourquoi ?
Parce qu’une nouvelle guerre froide est engagée depuis une dizaine d’années entre la Russie et les Etats-Unis. Ceux-ci, et leurs alliés d’Europe occidentale et centrale, considèrent nettement les Russes comme des ennemis, qu’il faut amener à résipiscence avant d’engager toute discussion. Toute perche tendue par Vladimir Poutine est donc destinée à lui être instantanément retournée dans la figure avec l’indignation de rigueur.
Poutine ose parler de renforcer les traités sur les armes chimiques ? Ses services tentent régulièrement – et vainement – d’assassiner ses opposants politiques avec les neurotoxiques militaires les plus redoutables, conjuguant agressivité et nullité.
Il propose en vain un moratoire sur le déploiement de missiles à moyenne et longue portée en Europe ? Mais c’est lui-même qui a violé le traité FNI, contraignant les Américains à s’en retirer !
Il évoque un nouvel accord afin d’interdire le déploiement d’armes dans l’espace ? Ce sont ses satellites qui viennent espionner et agresser les nôtres !
Inutile de discuter avec un tel homme. C’est pourquoi, nous l’avons déjà souligné, les tentatives de rapprochement esquissées par la France relèvent de la stricte gesticulation diplomatique à usage interne et sont condamnées à rester lettre morte.
D’autant que Paris argue précisément de l’agressivité russe en orbite pour justifier le déploiement – tout à fait légitime – de nouveaux moyens spatiaux qui sont loin de viser uniquement les Russes. Car l’espace a été militarisé dès 1942, n’a jamais cessé de l’être depuis, et que il n’y a pas que les Russes et nous qui nous y croisions. Nous n’avons aucune raison de nous engager à ne pas déployer des armes défensives en orbite, pour protéger nos satellites, cruciaux pour nos forces armées, alors que de plus en plus disposent de technologies susceptibles de les frapper.
Et les Américains, principaux responsables de la militarisation de l’espace et qui se sont dotés en 2018 d’un commandement de l’espace, imitant en cela la Russie, n’accepteront en aucun cas de renoncer à imposer leur leadership sur un espace aussi stratégique !
Tous les efforts visant à démilitariser l’espace sont donc vains, aussi vains que ceux visant à dénucléariser la planète. On ne se bat pas contre un effet de cliquet. Si Vladimir Poutine entend sans doute prouver sa bonne volonté en affectant de tendre une main aux Occidentaux sur certains dossiers, il a donc raison de ne pas s’enflammer : «Dans l’espace, personne ne vous entend crier.»
Philippe Migault
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