Si les manœuvres américaines en France n’ont rien de nouveau, leur objectif en Pologne est en revanche significatif, d'après Philippe Migault, spécialiste des questions stratégiques.
«Un pour tous, tous pour un» : en baptisant le transit des forces armées américaines à travers la France d’Opération «Mousquetaire», les communicants des forces armées françaises n’ont guère fait preuve d’originalité.
Oui, nous sommes dans l’OTAN.
Oui, nous sommes fidèles à notre alliance. Cela fait même plus de 100 ans, depuis la première guerre mondiale, que des troupes américaines débarquent à la Rochelle et s’entraînent en Charente.
Oui, nous sommes constants depuis 1949, depuis 71 ans, n’en déplaise à ceux qui n’ont jamais compris que, même sous le «grand Charles», nous ne sommes jamais sortis de l’Alliance Atlantique. Oui, nous envoyons des «troupes» – un peloton de chars un peu musclé – aux frontières de la Russie pour signifier que nous sommes prêts à faire barrage au grand méchant ours en allant le titiller au seuil de sa tanière.
Bref, si la dénomination de la manœuvre est un tantinet téléphonée, il n’y a donc aucune raison de s’indigner, puisqu'il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Il n’y a pas de désengagement américain d’Europe
En revanche se pose la thématique, une fois encore, des fake news. Rappelons-nous des multiples cris d’orfraie entendus depuis l’élection de Donald Trump : «L’OTAN survivra-t-elle à Donald Trump ?», «Et si Donald Trump décidait de quitter l’OTAN en 2020 ?», «Trump veut mettre fin à l’OTAN»... Que n’avons-nous pas entendu de la part des Atlantistes certifiés, redoutant que leur mentor américain les émancipe... Or qu’en est-il ? L’engagement des Etats-Unis dans l’Europe est plus fort que jamais.
Nous l’annoncions dès mai 2017, en affirmant que «Trump poursuit son revirement à 180° vis-à-vis du Kremlin en prolongeant la politique de réassurance vis-à-vis des Etats d’Europe centrale engagée par Barack Obama contre une hypothétique agression russe.» Mais aujourd'hui, ce n’est pas nous qui le disons. Pas RT. C’est le Huffington Post, média peu suspect de poutinophilie qui, soulignant que Trump ne fait pas ce qu’il veut vis-à-vis de l’establishment – ce fameux Etat profond qui, paraît-il, n’existe que dans le cerveau malade des complotistes – annonce même que ce dernier veut élargir l’Alliance Atlantique à certaines nations du Moyen-Orient.
Seul varie le centre nerveux de l’Alliance Atlantique
Il n’y a donc pas, contrairement à ce qu'ont ressassé nos médias, de désengagement américain d’Europe, mais a contrario, une avancée des moyens lourds au contact de la Russie. Car les troupes débarquées à la Rochelle, à Bordeaux mais aussi, dans une moindre mesure, en Grèce, prennent toutes la route de la Pologne. Aux portes de Kaliningrad, de la Biélorussie, bref de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Difficile de réaffirmer de manière plus limpide l’engagement américain en Europe et la volonté, suivant le communiqué du Pentagone, d'«accentuer la dissuasion à l’égard de la Russie [et de] renforcer l’OTAN, rassurer les alliés». Reagan, Bush, Clinton, Bush Jr., Obama, Trump, même combat : l’ennemi reste le Moskvitch, le Russe, l’affreux qui ne veut pas admettre que le camp du bien est celui des Américains.
Seul, et c’est ce qui contrarie les alliés historiques de Washington, varie le centre nerveux de l’Alliance Atlantique.
Exit l’Allemagne : le 30 juin le Pentagone a présenté au Président américain le plan visant à retirer 9 500 soldats d’Allemagne sur les 34 500 qui y sont actuellement stationnés. L’OTAN glisse vers l’est, vers la Pologne et vers les alliés fidèles, prêts, contrairement aux Allemands, à payer le prix de leur défense et à prêter allégeance, inconditionnellement, en bons petits soldats, à leur suzerain américain.
Les forces armées allemandes ne sont pas opérationnelles. Berlin a résisté aux pressions américaines dans le cadre des dossiers North Stream 1 et 2 et s’est pincé le nez à de multiples reprises devant Trump : Merkel paie le prix de son insolence et de l’effondrement moral, nous pourrions dire hormonal, de son pays au profit d’Andrzej Duda, le Président polonais tout juste réélu.
Ce dernier incarne un Etat aux valeurs militaires intactes, à la russophobie militante et détestant aussi bien les tenants de l’avortement que de la défense des communautés LBGT. Aussi proche, à ce titre, de Trump que de Poutine, il ne recevra jamais de troupe de danseurs gays le jour de la fête nationale au Palais Koniecpolski. Mais il est sûr. Du bois dont on fait les véritables amis lorsque les temps sont durs. C’est peut-être cette préférence, en définitive, qui choque le plus les alliés historiques des Etats-Unis.
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