Alors qu'un rapport sénatorial met en garde contre l'influence de l'islamisme radical en France, Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques, souligne que ce combat se mène sur plusieurs fronts, dont celui des relations internationales.
Dans un ouvrage publié l’année dernière, nous pointions du doigt l’idée que malgré ce que certains candides ont appelé la mort de Daech et la fin du Califat, nous étions loin d’en avoir fini avec l’hydre islamiste. Et pour cause, aujourd’hui près de 40 pays dans le monde ont une antenne d’Isis. Après Al-Qaïda, l’EI mais après l’EI ? L’histoire a prouvé que depuis plus d’un demi-siècle, l’islamisme radical né notamment en Afghanistan contre le communisme n’a fait que se reconvertir, caméléon qu’il est, en de nouvelles formes terrestres, mais que le fond nihiliste et haineux perdure plus que jamais. Couper une tête, c’est voir en apparaître de nouvelles. Depuis l’Asie centrale jusqu’à nos banlieues, il n’a eu de cesse de progresser sous une forme ou une autre, de façon pernicieuse et insidieuse.
Au cœur d’un rapport sénatorial présenté le 9 juillet dernier à la Commission d’enquête sur la radicalisation islamiste, la rapporteur et sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio souligne plus que jamais les dangers de l’islamisme radical dans l’hexagone. Pour elle, «l’islamisme radical est polymorphe, s’insinuant dans tous les aspects de la vie sociale et tend à imposer une nouvelle norme sociale en se prévalant de la liberté individuelle.» Il faut dire que depuis quelques années, les menaces se sont multipliées dans nos sociétés et que la crise sanitaire mondiale risque bien d’avoir des conséquences dramatiques sur des franges entières de populations qui se retrouveront désœuvrées, à la dérive, sans emploi, sans stabilité, sans prise en charge professionnelle, et qui risquent de tomber facilement dans les mailles de recruteurs, endoctrineurs, prêts à faire de ces individus de nouvelles bombes humaines dégoupillées qui se retourneront contre nous. C’est là que l’islamisme fait les meilleures pêches.
En effet, nous avons été accaparés pendant des mois par la pandémie de Covid-19, au point peut-être d’en oublier les dangers habituels qui menacent nos sociétés. Malgré le travail des Services, la déstabilisation de notre société, de notre économie, l’isolement et la marginalisation accrue de catégories de populations, l’isolement grandissant d’individus en crise, la libération de milliers de prisonniers, la montée des tensions, avec le rejet par des groupes extrémistes en Europe ou aux USA du confinement, ont favorisé un relâchement de notre vigilance sur la question de l’islam radical et la menace terroriste. Sur les réseaux, on voyait même certains combattants de Daech appeler à la violence au Moyen-Orient dans un contexte de déstabilisation mondiale. Pour certains, le coronavirus était même une punition divine.
Ce que prône le rapport sénatorial précité pour endiguer cette lente remontée de l’islam politique radical dans notre pays, est de plusieurs ordres. En réalité, ces mesures de bon sens, une quarantaine, devraient déjà depuis les attentats de 2015 être effectives : que ce soit l’interdiction des prédicateurs les plus radicaux, le contrôle des écoles et des associations sensibles comme dans le sport, la prévention et l’augmentation de la prévention primaire, secondaire et tertiaire aux fondamentaux sur l’endoctrinement sectaire islamiste. Il est crucial de continuer à sensibiliser l’opinion et de ne pas verser que dans le sécuritaire. Comme des coups de boutoirs sur une porte qui ne veut s’ouvrir, les idéologues du djihad cherchent à nous avoir à l’usure et profitent de la moindre occasion où notre attention est détournée. Et face à chaque malheur que nous traversons, ils ont à la fois une réponse et une solution : c’est le châtiment de Dieu pour nous punir d’on ne sait quoi. Et eux sont là pour montrer à leurs proies le véritable chemin, la vraie «voie» du Musulman. C’est un processus qui ne nous autorise aucun répit, dans nos mosquées, nos institutions publiques, sur internet ou dans nos quartiers. Le rapport estime par exemple à 40 000 le nombre de salafistes en France et 50 000 celui des Frères musulmans. C’est aussi cela, le danger du communautarisme.
Bien sûr, l’une des clés d’entrée de l’islam politique est de faire le jeu des institutions religieuses et de pénétrer la sphère de ce que l’on appelle génériquement «l’islam de France», ce qui donne lieu à une âpre bataille politique de puissances étrangères pour y parvenir. Mais il ne faut pas oublier que depuis le début, le corpus idéologique d’Al-Qaïda et de Daech se réfère largement au wahhabisme saoudien et au salafisme que cherche à implanter partout sur la planète l’Arabie saoudite. Au-delà ce de rapport sénatorial tentant d’éradiquer l’islamisme dans ses branches, il est impératif que la France fasse le choix courageux de lutter à la racine contre ce mal, et cela passe inévitablement par la réévaluation d’urgence de ses relations politiques, économiques, notamment avec Riyad, marchand de mort au Moyen-Orient et depuis longtemps bien piètre modèle de gardien des lieux saints de l’islam modéré.
Sébastien Boussois
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.