Le directeur éditorial du site madaniya.info René Naba revient pour RT France sur la condamnation du fils de Mouammar Kadhafi.
La condamnation à mort, par contumace, de Saïf al-Islam Kadhafi constitue un défi, tant à la justice internationale qu'aux prétendus libérateurs de la Libye, non pas tant que le fils le plus en vue du défunt dictateur libyen soit une blanche colombe injustement capturée et condamnée, mais parce que celui qui était présenté comme le successeur potentiel du «Guide de la Jamahiryah», captif d'un clan, et non du pouvoir central, a fait l'objet d'une justice clanique quand bien même il faisait l'objet d'un mandat international.
Une condamnation qui constitue, a contratio, une belle démonstration d'impotence de la fameuse «communauté internationale» invoquée à tout propos et hors propos pour les besoins des stratégies atlantistes.
Saïf al-Islam et 36 autres prévenus étaient jugés pour leur rôle dans la répression meurtrière. Le procès, ouvert en avril 2014, a été critiqué par les défenseurs des droits de l'Homme et marqué par un différend toujours en cours avec la Cour pénale internationale (CPI), qui souhaite juger Saïf al-Islam. Huit de ses proches, notamment le dernier Premier ministre de Kadhafi, Baghdadi al-Mahmoudi, et son ancien chef des services de renseignements, Abdallah Senoussi, présents, eux, à l'audience, ont été également condamnés à mort, après un procès de 16 mois.
L'ONU et plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme ont déploré ces condamnations à mort, dénonçant l'absence de procès équitable. Le procès, ouvert en avril 2014, a été marqué par un différend toujours en cours avec la Cour pénale internationale (CPI), qui souhaite juger Saïf al-Islam.
Quatre ans après la chute du régime Kadhafi, la Libye est en proie au chaos. Le pays compte deux Parlements - et deux gouvernements - rivaux, l'un basé à Tripoli sous la coupe de la coalition de milices Fajr Libya, et l'autre dans l'est, le seul reconnu par la communauté internationale.
Au-delà des polémiques sur le bien-fondé du bon fonctionnement de la justice libyenne, clanique ou étatique, se pose le problème de la responsabilité des puissances occidentales dans ce dénouement sans précédent dans les annales judiciaires internationales et leur aptitude à faire respecter les lois qu'ils ont eux-mêmes édictés, après avoir abusivement interprété la Résolution 1973 concernant l'usage de la force en Libye.
La justice pénale internationale, dont l’avènement avait été salué comme annonciateur d’une ère nouvelle a été, d’emblée, obérée par sa sélectivité et ses immunités, en un mot par sa partialité.
Les Etats-Unis, un des tortionnaires majeurs de l’époque contemporaine, le maître d’œuvre des tortures de la base américaine de Guantanamo (Cuba), de Bagram (Afghanistan) et d’Abou Ghraib (Irak), de même qu’Israël, considéré par une fraction importante de l’opinion publique mondiale comme «l’Etat voyou n°1», n’ont pas souscrit au traité fondateur de la Cour pénale internationale. Ils disposent de ce fait d’un privilège de juridiction qui leur confère une sorte d’immunité impériale les plaçant à l’abri des poursuites, héritage de l’ancien «régime des capitulations» de l’empire ottoman.
Il en est de même des autres pays du champ occidental, notamment la France, qui compte à son actif l’élimination des principaux opposants du tiers monde hostiles à son hégémonie, Félix Mounier (Cameroun 1958), Mehdi Ben Barka (Maroc 1965), de même que les chefs de file du mouvement indépendantiste Kanak Jean Marie Tjibaou et Yéwéné Yéwéné, tous deux assassinés en 1989 en Nouvelle-Calédonie sur un territoire dont la France a la charge de sa sécurité, ou enfin le chef de l’opposition tchadienne Ibn Omar Mahmat Saleh (2008), le «tchadien disparu qui embarrasse la France», arrêté à la suite d’informations émanant des services d’écoute de l’armée française.
De même, le choix discriminatoire de traduire devant la justice internationale les assassins de Rafic Hariri et pas ceux de Benazir Bhutto, l’un et l’autre, pourtant deux anciens premiers ministres musulmans pro-occidentaux, éliminés à deux ans d’intervalle, le libanais en 2005, la pakistanaise, en 2007 de même que de poursuivre le soudanais Omar El Bachir et non le tchadien Idris Deby au bilan sanguinairement comparable, ont obéré la crédibilité de la justice internationale dont la posture se révèle en fin de compte comme une quasi-imposture.
Un instrument de domination du Nord sur le Sud, et, dans le cas libyen, un cas manifeste d'impotence des Occidentaux, lourd de conséquence à l'avenir pour leur rôle prescripteur en ce que le devoir d'assistance à des populations en danger doit s'assortir d'une obligation de résultat car il ne saurait être permis de saccager des pays au nom des Droits de l'Homme en laissant leur population sans défense, en proie à l'arbitraire et à la folie meurtrière des supplétifs des Occidentaux, en l'occurrence les djihadistes.
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