Rédacteur en chef du site madaniya.info, René Naba plonge dans l’histoire du parti UMP.
Le récent changement de nom du parti néo-gaulliste UMP (Union pour un mouvement populaire), devenu «Les Républicains», remet sous les deux de l'actualité une spécificité française qui vise à opérer un ravalement cosmétique destiné à gommer les turpitudes d'une institution sans garantie d'une rédemption, avec la certitude d'une récidive.
Singulière pratique qui distingue la France des autres grandes nations occidentales, sans qu'il ait été possible de savoir si cette jonglerie sémantique constitue un signe de vitalité et de créativité, ou plus grave, le symptôme d'une inconstance, voire d'une instabilité.
En comparaison avec les autres pays occidentaux, le comportement de la France fait tache. Depuis la Déclaration d'indépendance, en 1776, contemporaine de la Révolution française, les Etats Unis fonctionnent selon un système fédéral régit par la même constitution, reposant sur un socle constitué de deux grands partis, Républicains et Démocrates. Vingt-sept amendements ont été ratifiés depuis la signature de la Constitution originelle.
Il en est de même au Royaume Uni où depuis l'instauration de la monarchie parlementaire (1689), le pays est régi par un corpus constitutionnel immuable – l'«Habeas Corpus» et «The Bill of Rights» (La déclaration des Droits) –, animé par deux grands partis politiques – Conservateurs et Travaillistes –, qui pratiquent dans la plus grande harmonie une alternance du pouvoir selon le verdict des urnes.
La situation est bien différente en France, qui a connu depuis l'abolition de la monarchie absolue en 1789, avec la Révolution française, 13 régimes politiques différents, dont 5 Républiques. La succession de ces régimes s'explique par des révolutions ou des défaites militaires entraînant la chute d'un régime.
Nous #lesRépublicains nous ne devons pas fuir les débats. Ce n'est jamais un problème de parler, de réfléchir, de travailler ! #NSAsnieres
— Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) 3 Juin 2015
La succession de ces régimes politiques entre 1789 et aujourd'hui (empire, monarchie constitutionnelle, république parlementaire), fait que la France a connu au cours des deux derniers siècles près de 15 Constitutions différentes, présentant chacune leurs spécificités propres.
Rien que pour la dernière, celle de 1958 qui a fondé la Vème République, 24 révisions ont été opérées depuis son adoption, soit autant que pour la Constitution des Etats-Unis qui est en vigueur, elle, depuis plus de trois siècles.
Les partis politiques n'échappent pas à cette règle, comme en témoigne la valse de leurs sigles. Prenons le cas du parti gaulliste fondé en 1946 par Charles de Gaulle après la Libération, il s'est lui aussi plié à cette règle des variations saisonnières : Le Rassemblement du Peuple Français (RPF/1947-1955) a ainsi évolué, sémantiquement, au gré des circonstances politiques pour devenir tour à tour, l'Union Pour La Nouvelle République, au retour du Général de Gaulle au pouvoir en 1958, (UNR/1958-1967), avec une variante progressiste tendance gaulliste de gauche, l'Union Démocratique pour le Travail de René Capitant (UDT/1962-1967), puis l'UDR par la fusion de l'UNR et de l'UDT (1960-1976), avant de changer de sigle en 1976, pour devenir le Rassemblement Pour la République (RPR 1976-2002), lorsque Jacques Chirac a voulu se doter d'une machine de guerre pour la conquête du pouvoir, avant de basculer sous Nicolas Sarkozy vers l'Union pour la Majorité Présidentielle (UMP), transformé après l’élection en l'Union Pour un Mouvement Populaire jusqu'à sa mutation la plus récente : «Les Républicains» (2015), toujours sous l'égide de Nicolas Sarkozy, reparti à la conquête du pouvoir. Fait symptomatique, en 68 ans, huit mutations de sigle.
Chez Les Républicains, des t-shirts à 21 euros et fabriqués au Bangladesh http://t.co/QNshdUUQNP#JDDpic.twitter.com/cEbQlRE6Dn
— Le JDD (@leJDD) 3 Juin 2015
Une nostalgie de grandeur, un rôle prescripteur, une posture schizothymique
La France pâtit d'une nostalgie de grandeur. Le tryptique républicain (Liberté, Egalité, Fraternité) relève davantage d'une posture déclamatoire propre à la stature de prescripteur moral que la France s'est octroyée en vertu d'une mythique mission civilisatrice. Mais à l'épreuve des faits, le comportement de la France relève davantage de la schizothymie
- La Liberté :
La Colonisation est la négation de la liberté. Contraire aux principes fondateurs de la Révolution française, la colonisation a été le fossoyeur de l’idéal républicain.
C'est officiel: les mots n'ont plus de sens. Les républicains c'est la droite et la laïcité, c'est le christianisme https://t.co/ePg6R5qXUZ
— francois chemarin (@chem_98837) 31 Mai 2015
- L’Egalité :
L’exception française est une singularité : premier pays à avoir institutionnalisé la terreur comme mode de gouvernement, avec Maximilien de Robespierre, sous la Révolution française (1794). La France sera aussi le premier pays à inaugurer la piraterie aérienne, en 1955, avec le déroutement de l’avion des chefs historiques du FLN algérien, donnant ainsi l’exemple aux militants du tiers-monde en lutte pour leur indépendance.
La récidive dans la singularité est aussi un trait de l’exception française : ce pays jacobin, égalisateur et égalitaire se singularisera, aussi, en étant le seul pays au monde à avoir officialisé le «gobino-darwinisme juridique», à avoir codifié en droit «la théorie de l’inégalité des races», une codification opérée sans discernement, pour promouvoir non l’égalité, mais la ségrégation.
La «Patrie des Droits de L’Homme» et des compilations juridiques modernes – le code civil et le code pénal – est aussi le pays de la codification discriminatoire, le pays de la codification de l’abomination : le pays du «Code Noir» de l’esclavage, sous la monarchie, du «Code de l’indigénat» en Algérie sous la République, qu’il mettra en pratique avec les «expositions ethnologiques», ces «zoos humains» dressés pour ancrer dans l’imaginaire collectif des peuples du tiers monde l’idée d’une infériorité durable des «peuples de couleur», et, par contrecoup, la supériorité de la race blanche.
Au moins, c'est clair ! #LesRepublicainspic.twitter.com/nmJqbvBzBL
— DroiteGaulliste (@DroiteGaulliste) 31 Mai 2015
- Fraternité : Le Bougnoule, la marque de stigmatisation absolue
La fraternisation sur les champs de bataille a bien eu lieu mais la fraternité jamais, la cristallisation des combattants indigène en et une preuve criante. L’immigré en France a longtemps été perçu comme un indigène, ce qui faisait paradoxalement de l’immigré, l’indigène de celui qui est étymologiquement l’indigène.
La France s’affiche volontiers révolutionnaire mais se révèle, en fait, profondément conservatrice. La France du triptyque républicain a eu un comportement liberticide avec la colonisation, ethniciste dans sa politique migratoire, un comportement sociocide dans sa structuration socio-culturelle et démographique.
La capitulation de Sedan face à l’Allemagne en 1870-71 a donné naissance à la IIIème République, la capitulation de Montoire face à Hitler en 1940 à la IVème République (1946), celles de Dien Bien Phu et d’Algérie en 1955, à la Vème République (1958), avec leurs cortèges de grandes institutions : «sciences po» et l’Institut des Etudes Politiques de Paris après Sedan et l’ENA, l’Ecole Nationale d’Administration (1945) après Montoire. Le pays des «grandes écoles», des concours pépinières des élites, des scribes et des clercs – cinq millions de fonctionnaires en France en 2 000, le plus fort contingent de l’Union européenne, soit 20% de la population active – ne tolère pas de retour sur son passé. Il ne conçoit que les perspectives d’avenir.
Jamais de rétrospectives, toujours des prospectives. Une fuite en avant? La fuite comme mode de gouvernement?
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