Le Pentagone intrigue-t-il pour faire échouer les plans de l'administration Obama en Syrie ? Si c'est le cas, dans quel sens chaque département du gouvernement américain pousse-t-il ? Le sénateur de Virginie Richard H. Black livre à RT son analyse.
Le gouvernement américain n’est pas monolithique, on le sait. Certains estiment que le Pentagone freine la coopération voulue par Obama avec la Russie. Mais d'autres voient le schéma inverse tout en haut de l'establishment américain. Le sénateur républicain de Virginie Richard H. Black est de ceux-là. Pour lui, le Pentagone est plutôt pro-russe, alors que le département d’Etat a tendance à être plus favorable aux terroristes et n’a aucun autre but que de renverser le gouvernement de Bachar el-Assad.
Les Etats-Unis prétendent que la campagne militaire russe en Syrie n'a quasiment abouti à rien. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a indiqué que la Russie et la Syrie renonçaient toujours à la diplomatie dans le cadre de la crise syrienne.
Cependant, le New York Times a publié il y a quelques jours des enregistrements prouvant l’intérêt de John Kerry pour un renversement du gouvernement de Bachar el-Assad.
Peu de choses indiquent que John Kerry cherche autre chose qu'à renverser le gouvernement légitime de la Syrie
RT : Etes-vous surpris par les affirmations de John Kerry, selon lesquelles la Russie et la Syrie auraient renoncé à la diplomatie, alors même que, d'après des enregistrements ayant fuité, il soutient la présence de forces américaines en Syrie ?
Richard Black (R. B.) : Peu de choses indiquent que John Kerry cherche autre chose qu'à renverser le gouvernement légitime de la Syrie. Si on se souvient du moment où Daesh a pris le contrôle de Mossoul, avec un arsenal d’armes américaines, les Etats-Unis ne sont pas du tout intervenus pour arrêter ce flux d'armes qui ont continué à être envoyées en Syrie. Les Etats-Unis ont permis à Daesh d'utiliser 2 000 camions pétroliers en et hors de la Turquie. Ce n'est qu'après l'arrivée de la Russie qu'ils ont été éliminés. La coalition dirigée par les Américains a permis à une vaste armée de circuler à travers le désert pour s’emparer de Palmyre. Je crois que c’était leur intention, parce que si l'opération était couronnée de succès, ils pouvaient aller de Palmyre à Damas.
Nous étions prêts à livrer toute la Syrie aux horreurs de Daesh pour renverser le gouvernement syrien. Je ne vois aucune preuve indiquant que le secrétaire Kerry soit véritablement intéressé par la paix. Si vous regardez ce qui s’est passé - deux jours avant le moment de la conclusion des accords de la paix, les Etats-Unis ont lancé à Deir ez-Zor un bombardement qui a duré une heure. J'aimerais bien croire que c'était un accident. Mais le fait est que les lignes de bataille à Deir ez-Zor étaient très statiques - ce n’était pas un champ de bataille en mouvement et les avions qui ont largué les bombes étaient guidés par GPS.
On a presque l'impression qu'il y a eu une sorte de réflexion après coup concernant l'accord de paix en Syrie et le sentiment que quelque chose devait être fait pour le saboter
Nous avons non seulement bombardé et tué entre 62 et 82 soldats syriens, mais nous avons ensuite bombardé et détruit des ponts près de Deir ez-Zor durant les semaines qui ont suivi. On a presque l'impression qu'il y a eu une sorte de réflexion après coup concernant l'accord de paix en Syrie et le sentiment que quelque chose devait être fait pour le saboter délibérément, le rendre inefficace.
RT : Que pensez-vous de la coopération entre les Etats-Unis et la Russie en Syrie ? L'idée était de lutter ensemble contre le terrorisme. Pensez-vous que ce soit vraiment le cas ?
R. B. : Il faut comprendre que le gouvernement américain n’est pas d’un seul bloc. Le département de la Défense serait plutôt pro-russe, alors que le département d’Etat a tendance à être plus favorable aux terroristes comme Daesh et Al-Qaïda. Je pense que le département de la Défense serait heureux, sous une autre administration, de coopérer étroitement avec les Russes. En revanche, le département d’Etat est absolument dédié à la réalisation des objectifs de la Turquie, de l'Arabie saoudite et du Qatar, qui consistent à détruire la Syrie, la déchirer en morceaux. Je ne vois aucune preuve convaincante selon laquelle le département d’Etat aurait un autre but que celui de renverser le gouvernement légitimement élu en Syrie.
RT : Comment la détérioration des relations des Etats-Unis avec la Russie va-t-elle influencer la situation en Syrie ?
R. B. : L'essentiel est que la Syrie et la Russie ont finalement écrasé la poche d’Alep. Il a fallu plusieurs années pour finalement piéger les rebelles dans cette poche. N’oubliez pas que les rebelles sont dirigés par Al-Qaïda – on l’appelle Al-Nosra, ils changent de nom de tout le temps. C’est essentiellement Al-Qaïda, la force qui a fait tomber les tours jumelles et attaqué le Pentagone le 11 septembre 2001, qui est aux commandes.
Si vous lisez les grands médias, on pourrait croire que rien ne se passe dans la poche d’Alep à l'exception des attaques contre les hôpitaux et les civils
A l’aide des Russes, l’armée syrienne a fait des choses très ingénieuses sur le champ de bataille. Ils ont réussi à piéger cette armée rebelle dans la poche, et la poche se rétrécit rapidement. Cela ressemble beaucoup aux tumeurs cancéreuses qu'on soigne, leur taille diminuant petit à petit. [...]
Ce qui est intéressant, c'est que, si vous lisez les grands médias, on pourrait croire que rien ne se passe dans la poche d’Alep à l'exception des attaques contre les hôpitaux et les civils. Mais il y a là une large armée rebelle. A un moment donné, au début de la bataille pour la poche d’Alep, ils ont rassemblé 95 chars et des milliers de soldats pour tenter de briser l'encerclement. Fait intéressant : il n’y a eu aucune mention de tout cela dans les médias occidentaux. La seule chose que vous avez vu était un petit garçon, étourdi par une bombe tombée non loin de lui et ayant de la poussière sur son visage...
Personne n'a parlé des chars ; personne n'a évoqué les raids des forces ennemies. L’ennemi attaquait dans la partie sud de la poche d’Alep des deux côtés – un total de 40 000 hommes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, essayant de sortir. Tout cela est très mal représenté [dans les médias]. Mais l'essentiel est que, malgré toute cette propagande, la Russie, la Syrie et leurs alliés ont fait le nécessaire, ils ont une fois pour toutes écrasé cette poche d’Alep, et je pense qu'ils vont y mettre un terme au cours des prochains mois.
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