«Le pire possible» : Soros critique le compromis trouvé par l'UE avec la Hongrie et la Pologne
Après l'adoption d'un compromis sur l'Etat de droit, permettant la levée des vetos hongrois et polonais sur le budget et le déblocage du plan de relance européen post-Covid, George Soros a estimé que Bruxelles avait capitulé sur les valeurs de l'UE.
Bien que disposant de la nationalité américaine, le milliardaire George Soros, hongrois d'origine, garde un œil attentionné – voire d'avantage – sur l'actualité du Vieux continent. Ainsi, le compromis trouvé par Bruxelles avec la Hongrie et la Pologne pour débloquer le budget de l'UE 2021-2027 (1 074 milliards) et le plan de relance post-Covid (750 milliards d'euros), n'a pas trouvé grâce à ses yeux, loin de là, et il n'a pas manqué de le faire savoir le 10 décembre 2020.
Budapest et Varsovie ont en effet obtenu des autres pays européens de ne pas conditionner le versement des fonds européens au respect de l'Etat de droit avant que la Cour de justice européenne ne se prononce sur la validité de ce dispositif en cas de recours en annulation par un Etat membre. La Hongrie et la Pologne estiment que la définition de l'Etat de droit n'est pas claire, et qu'un tel dispositif pourrait ainsi entraîner une ingérence politique dans leurs affaires intérieures.
Pour le fondateur de l'Open society, ce compromis trouvé par Bruxelles n'est ni plus ni moins que «le pire de tous possibles», et équivaut d'après lui à une «capitulation» de la chancelière allemande Angela Merkel. Dans un éditorial publié par Project Syndicate, le controversé financier accuse en effet Angela Merkel d'avoir «cédé à l'extorsion hongroise et polonaise», jugeant qu'en l'absence d'un Emmanuel Macron «temporairement distrait par la question de la laïcité», la chancelière allemande était «en quelque sorte le seul principal décideur de l’UE».
Or d'après le milliardaire, la position défendue par Budapest et Varsovie défiait «effrontément les valeurs sur lesquelles l'Union européenne a été construite». «Traiter leur défi comme une position politique légitime qui mérite d'être reconnue et [trouver] une solution de compromis ne fera qu'augmenter – grandement – les risques auxquels l'UE est désormais confrontée», s'inquiète-t-il, qualifiant le parti polonais au pouvoir Droit et justice d'«illibéral», et le gouvernement de son ennemi intime, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, de «régime cleptocratique».
«Tout ce que je peux faire, c'est exprimer l'indignation morale que doivent ressentir les personnes qui croient en l'UE en tant que protectrice des valeurs européennes et universelles», conclut le milliardaire, qui finance pourtant de nombreuses causes sur le continent européen.
Depuis fin novembre, les passes d'armes entre George Soros et Budapest et Cracovie se multiplient sur le sujet. Dans une tribune publiée dans l'Obs, le richissime financier exprimait ainsi le 21 novembre son souhait que ni la Hongrie ni la Pologne ne puissent bénéficier des fonds communautaires de l'UE. Réplique cinglante quelques jours plus tard du Premier ministre hongrois, qui défendait sa vision d'une «société protégée», l'opposant à la société «multiculturelle et ethniquement mélangée» voulue par George Soros, et qui serait «entre les mains des élites globalisées».