Ukraine : l'Europe s'oppose à la paix

Selon une tribune parue dans le Berliner Zeitung, la stratégie occidentale en Ukraine a échoué. L’auteur plaide pour une reconnaissance des faits et un engagement sincère dans un processus de paix, dénonçant l’aveuglement de l’UE et son refus persistant de toute solution diplomatique.
Alors que des signes de détente apparaissent entre Washington et Moscou et que des négociations sur le cessez-le-feu en Ukraine prennent forme, l'Union européenne semble paradoxalement multiplier les obstacles au processus de paix, selon une analyse publiée dans le quotidien allemand Berliner Zeitung. L’auteur de l’article cite notamment l’initiative du président français Emmanuel Macron d’envisager l’envoi de troupes de l’OTAN en Ukraine, une démarche jugée difficilement conciliable avec toute volonté de désescalade. D'après le Berliner Zeitung, une telle démarche, catégoriquement rejetée par Moscou, va à l’encontre des principes élémentaires de médiation, qui reposent sur la neutralité des forces d’interposition.
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, est également citée comme figure marquante de cette opposition aux discussions. Depuis sa prise de fonctions, elle affiche une ligne ferme, estimant qu’il ne serait pas possible de faire confiance à Moscou. En décembre dernier, elle a écrit sur X que l’UE souhaitait la victoire de l’Ukraine. Une position de plus en plus contestée en coulisses au sein des capitales européennes, bien que peu de voix discordantes s’expriment publiquement, toujours selon le quotidien allemand.
L’article souligne que la Première ministre danoise Mette Frederiksen partage cette vision. Elle a indiqué que la paix pourrait être plus dangereuse que les hostilités en cours. Une affirmation considérée comme frappante par l'auteur, au vu du risque nucléaire accru que représente actuellement le conflit en Ukraine.
Le Berliner Zeitung rappelle qu’il est peu probable que Moscou se retire entièrement et sans condition du Donbass ou de la Crimée. Exiger ce retrait comme préalable à toute levée de sanctions revient à pérenniser un régime de sanctions sans fin et à priver l’Europe d’un levier stratégique majeur.
L’UE en porte-à-faux stratégique
D'après l’auteur de l'article, plutôt que de s’imposer comme médiatrice entre les blocs rivaux, ce qui serait logique au vu de sa position géographique, l'Europe alimente un conflit sans issue. Ce faisant, elle compromet sa propre sécurité ainsi que celle de l’Ukraine, qu’elle prétend défendre, indique le journal.
L’historien américano-indien Vijay Prashad, cité par le Berliner Zeitung, explique ce comportement par l’attachement des élites européennes à leur image et au récit d’une victoire absolue. Selon lui, trop de ressources, de vies et d’engagements politiques ont été investis dans cette vision pour faire marche arrière.
Vers une nouvelle architecture de sécurité ?
Toujours d’après l’analyse, à condition que les objectifs russes soient réellement limités sur le plan régional et non dirigés contre l’ensemble de l’Ukraine ou l’OTAN, une nouvelle architecture de sécurité en Europe pourrait devenir envisageable. Cela impliquerait des efforts de désescalade et de renforcement de la confiance mutuelle. Cependant, ces perspectives entreraient en conflit avec les discours alarmistes ayant servi à justifier des dépenses massives en matière de défense et des changements constitutionnels.
L’auteur de l'article se demande si le désir de sauver un récit politique désormais discrédité n’aurait poussé les leaders européens à sacrifier l’opportunité d’une paix durable. La seule voie raisonnable pour les Européens, selon lui, est de reconnaitre les faits, car la stratégie occidentale en Ukraine a échoué.