Confiscation des avoirs russes : «Cette question n'est plus sur la table», rapporte le Financial Times
Selon le quotidien britannique, qui suit de près le dossier, les responsables du G7 auraient déclaré en privé que la saisie des avoirs russes n'était plus discutée. Loin de faire l’unanimité au sein du bloc occidental, cette mesure de confiscation, plébiscitée par les Anglo-Saxons, a également rencontré une forte opposition au sein du G20.
Les projets de Washington de confisquer les avoirs russes gelés en Occident au profit de Kiev auraient du plomb dans l’aile, à en croire le Financial Times (FT). «Bien que l'Ukraine continue de faire pression pour une saisie totale des avoirs russes, les responsables du G7 affirment en privé que cette question n'est plus sur la table. Au lieu de cela, ils explorent d’autres moyens d’extraire des fonds des avoirs gelés», a rapporté ce 3 mai le quotidien britannique.
Celui-ci a relaté une passe d’armes lors d’une réunion des ministres des Finances du G20 au Brésil. Réunion au cours de laquelle plusieurs pays se sont opposés au projet des Occidentaux de faire main basse sur les avoirs russes, mettant en garde contre la création d’un «dangereux précédent en droit international». Parmi ces responsables «particulièrement alarmés» par une éventuelle saisie de fonds souverains figuraient les ministres saoudien et indonésien.
Selon le FT, Riyad et Jakarta «ont fait pression sur les capitales européennes pour qu'elles ne saisissent pas les actifs, [...] craignant pour l'avenir de leurs propres réserves détenues en Occident». Le journal britannique a également fait état des réticences de responsables du G7, tels que le ministre italien des Finances Giancarlo Giorgetti, assurant qu’il serait «difficile et compliqué» de trouver une base légale pour saisir les actifs de l'État russe. «Son homologue français, Bruno Le Maire, s'est montré encore plus incisif, arguant que le fondement juridique n'existait tout simplement pas», a poursuivi le FT.
Les États-Unis «n’ont que peu de poids dans le jeu», assure un diplomate européen
L’Allemagne, la France, l’Italie, le Japon ainsi que l’Union européenne «restent très prudents», a souligné le quotidien britannique, mettant en avant le «scepticisme» des banquiers centraux du G7 «conscients du rôle stabilisateur que jouent les réserves de change». Les chancelleries européennes «veulent éviter tout ce qui semble toucher aux actifs eux-mêmes, par crainte de représailles», a insisté le média.
Si les États-Unis abritent 5 milliards de dollars d’actifs russes gelés, ceux situés sur le continent européen avoisinent les 200 milliards d’euros. Les États-Unis «n’ont que peu de poids dans le jeu», a confié au FT un diplomate européen.
«Le risque est que si nous commençons simplement à ignorer ces principes, ils puissent également être utilisés contre nous par d’autres États et que nous créions un précédent qui pourrait avoir des effets inattendus à long terme», a également déclaré au FT Philippa Webb du King's College de Londres, auteur d'une étude du Parlement européen sur la légalité de la confiscation des avoirs russes.
Face aux réticences européennes, Washington envisage une nouvelle approche
La saisie des avoirs russes gelés, en faveur de l’Ukraine, est poussée par Washington et Ottawa, ainsi que par des responsables britanniques, parmi lesquels l’ex-Premier ministre revenu sur le devant de la scène politique en tant que ministre des Affaires étrangères, David Cameron. Côté américain, le Congrès a octroyé le 23 avril à l’administration Biden la possibilité de saisir les actifs russes situés aux États-Unis.
Le franchissement d’«une étape importante», saluée par la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, qui a toutefois insisté sur la nécessité d’avancer «sur une voie collective» avec les pays du G7. En effet, en cas d’action unilatérale les États-Unis sur ce dossier, ceux-ci «supporteraient seuls toute prime de risque de saisie», soulignait fin avril un analyste de Bloomberg Economics.
Selon le FT, l’administration Biden compterait sur le prochain sommet du G7 en Italie «pour faire avancer les choses». Néanmoins, cette confiscation ne faisant pas l’unanimité au sein même du club occidental, Washington proposerait une «nouvelle idée» : celle de débloquer environ 50 milliards de dollars de financement en faveur de Kiev via un prêt ou une obligation garantie par les bénéfices futurs issus des actifs gelés.
Depuis des mois, les autorités russes avertissent qu’elles adopteraient des mesures symétriques en cas de saisie des fonds souverains russes.