Intelligence artificielle : objet de moqueries, le chatbot français Lucie débranché en 48 heures
«Œufs de vache», erreurs dans des calculs simples : Lucie, un chatbot développé avec le soutien de l’État français a été mis hors ligne après être devenu la risée des internautes. Un ratage qui a fait parler de lui jusqu’aux États-Unis, et qui fait fausse note à l’heure du projet «Stargate» aux États-Unis et de l’avènement du chinois DeepSeek.
«Nous avons été emportés par notre propre enthousiasme». Dans un communiqué publié le 25 janvier, la société Linagora annonçait la fermeture «temporaire» de Lucie, l’intelligence artificielle qu’elle a développée en collaboration avec le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et lancée dans le cadre du plan d'investissement France 2030.
Une annonce qui survient alors que ce chatbot tricolore, rendu accessible au public le 23 janvier, était sous le feu des moqueries en raison de ses réponses incongrues à des questions d’internautes qui – pour certaines – l’étaient tout autant.
Sollicitée pour rédiger une dissertation «sur Hérodote et la bombe atomique», Lucie répond que le roi de Judée – mort peu avant la naissance du Christ – «a joué un rôle important dans le développement de la bombe atomique». Interrogée sur les «œufs de vache», le chatbot affirme que ces derniers sont «souvent utilisés dans la cuisine pour préparer des recettes telles que les omelettes, les œufs brouillés et les frittatas».
À la question «Combien font 5(3+2) ?», Lucie répond 17, puis 50, au lieu de 25. Quant au nombre de «r» dans le mot «strawberry», l’IA française va en dénombrer «un seul». Des pépites qui ont rapidement créé le buzz sur les réseaux sociaux, les internautes raillant les performances de cette «fierté française».
«Cet amateurisme doit cesser !»
«Nous demandons à tout le monde de respecter le travail des chercheurs et des ingénieurs qui œuvrent pour développer des systèmes d’IA de confiance, plus éthiques et plus transparents» ont enjoint les développeurs dans leur communiqué. Ces derniers assurant avoir «besoin de calme et de temps» afin de «mieux expliquer» leur «démarche». Un argument loin de convaincre sur la toile, notamment d’autres acteurs de la tech française.
«Cet amateurisme doit cesser !» a lancé, particulièrement virulent, Laurent Alexandre, co-fondateur du site de santé grand public Doctissimo. «LUCIE humilie la French Tech, LUCIE ridiculise la Startup Nation, LUCIE rabaisse le président Macron, LUCIE décrédibilise la France» a-t-il martelé sur X, repostant une capture d’écran d’un article de CNN qui s’est notamment fait l’écho de l’anecdote des œufs de vache.
À l’opposé, parmi les quelques soutiens de cette initiative «ambitieuse» : Cyril Sousa Cardoso, fondateur et patron de la startup Polaria, spécialisée dans l’IA. Ce dernier a fustigé l’«inculture technologique flagrante» et un «réflexe» de «dénigrer» les «initiatives nationales». «Ce n’est pas le moment pour des moqueries stériles qui ne servent qu’à décourager les efforts d’une France et d’une Europe en quête de souveraineté technologique face à la nouvelle hostilité américaine» assure-t-il.
D’autres encore ont souligné que d’autres IA, de grands groupes américains, en l'occurrence Google, avaient rencontrés des problèmes similaires lors de leurs premiers pas.
Ce ratage français survient au moment où DeepSeek bouscule le monde de la Tech et où Donald Trump annonce des centaines de milliards de dollars d’investissement dans l’infrastructure d’Intelligence artificielle aux États-Unis dans le cadre du projet «Stargate» qui réunit notamment le japonais SoftBank et la startup américaine OpenAI qui a développé ChatGPT. Par ailleurs, la France organise début février un «sommet pour l’action» sur l’IA. Un timing, français, également souligné par CNN.