Covid-19 : la Fondation abbé Pierre s’alarme de l’impact sur les 4,1 millions de mal-logés
Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre s’alarme de l’impact de la crise sanitaire sur les mal-logés ou sans-abris. Son délégué général pointe aussi les coupes budgétaires du gouvernement dans sa politique de logement depuis 2017.
Dans son 26e rapport sur le «mal-logement» en France publié en début de semaine, la Fondation Abbé Pierre (FAP) estime que la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 constitue une «double peine» pour les personnes sans abri ou mal logées et une «bombe à retardement» pour les ménages modestes.
Selon l’organisation caritative la pandémie de coronavirus a non seulement créé de nouvelles situations de précarité, mais aussi aggravé la situation des personnes mal-logées en France dont elle évalue le nombre de 4,1 à plus de 12 millions selon les critères retenus.
Tous les indicateurs compilés par l'association ont d’ailleurs viré au rouge. Ainsi, le Secours populaire a recensé en 2020 une hausse de 45% des demandes d'aide alimentaire par rapport à 2019, tandis que les Restos du Cœur ont prévu d'accueillir plus d'un million de personnes cet hiver, contre 875 000 en 2019-2020.
Le rapport relève aussi la forte hausse en 2020 (+10%) du nombres d’allocataires au RSA, qui sont désormais 2,1 millions en France. Un sondage Ipsos pour la FAP révèle, lui, que 14% des Français ont eu des difficultés liées au logement (paiement des loyers, vétusté) depuis mars 2020 et 29% expriment des craintes à ce sujet pour 2021.
La FAP estime en outre que les périodes de confinement ont particulièrement aggravé la situation des sans-abris, «dont les principales ressources se trouvent dans la rue et qui dépendent d'associations, souvent fragiles, pour tenir la tête hors de l'eau».
«Il y a de nouveaux pauvres mais il ne faut pas oublier pour autant les anciens pauvres», résume Manuel Domergue, directeur des études de la fondation cité par l’AFP. Ce dernier souligne que de nombreuses personnes installées dans des logements petits, surpeuplés ou insalubres ont aussi vécu le confinement comme une «épreuve cruelle».
L’action du gouvernement fustigée
Dans son rapport la fondation ne se contente pas de dresser un état des lieux mais pointe aussi l’action du gouvernement. Ainsi, les auteurs du document estiment que la crise «a aiguisé les attentes et priorités des Français en faveur du soin, de la protection sociale et de l’environnement», mais déplorent des mesures d’urgence en faveur des entreprises «sans réelles contreparties sociales et écologiques», ainsi qu’un «soutien insuffisant» aux ménages précaires ou «la poursuite des politiques fiscales inégalitaires ».
Ils dénoncent en particulier le plan de relance de l’activité économique qui selon eux «ne concentre pas assez d’efforts sur le logement, décent et abordable financièrement, dont les confinements ont pu faire mesurer l’importance pour le bien-être social et la santé».
Enfin, la FAP redoute que cette crise entraîne des répercussions sociales durables : chute de la production de logements, notamment de logements sociaux, blocage des attributions Hlm, montée des impayés, accroissement de la précarité et du chômage, rupture de suivis sociaux, destructions d’emplois à venir et endettement généralisé.
Un constat cohérent avec les observations du FMI formulées au niveau mondial dans un rapport paru en octobre, selon lequel la crise économique provoquée par l’épidémie mondiale devrait laisser des traces profondes sous la forme d’un chômage élevé et d’un recul durable des niveaux de vie.
Le «défi» de la ministre du Logement
La parution du rapport de la FAP a coïncidé avec une prolongation de la trêve hivernale des expulsions repoussée, comme l’an passé, du 1er avril au 1er juin, et annoncée par Emmanuelle Wargon, la ministre chargée du logement, dans une interview publiée par Le Parisien le 1er février.
Le lendemain la ministre a également évoqué sur BFMTV un plan de relance du logement social en lançant «un défi à tous sur la construction du logement social» et en souhaitant que «le plan de relance 2021-2022 soit l'occasion de rattraper notre retard». Elle a toutefois précisé que l’an passé, seuls 90 000 logements sociaux avaient été construits, un chiffre inférieur aux «objectifs» du gouvernement.
Ce gouvernement, si on regarde bien depuis 2017, a réduit la voilure de 10 milliards d'euros sur la politique du logement, pour la construction de logements sociaux, pour aider les ménages avec les APL [aides personnalisées au logement].
Le jour même, sur France Info ,le délégué général de la FAP, Christophe Robert saluait la décision de prolonger la trêve hivernale. Mais, en contrepoint au «défi» lancé par la ministre, il soulignait aussi : «Ce gouvernement, si on regarde bien depuis 2017, a réduit la voilure de 10 milliards d'euros sur la politique du logement, pour la construction de logements sociaux, pour aider les ménages avec les APL [aides personnalisées au logement]. Il y a eu des coupes énormes qui ont des impacts durables.»