L’Organisation de coopération de Shanghai pourrait jouer un rôle important dans le système de sécurité émergent, qui met l’accent sur le développement global de la région et la réalisation de son énorme potentiel.
Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) a lieu à un moment de haute tension dans la politique mondiale.
Les deux conflits majeurs en cours, ukrainien et palestinien, se poursuivent sans perspectives claires de fin. Les principaux pays occidentaux traversent des cataclysmes internes capables d’influencer considérablement leur politique future. Des processus remarquablement dynamiques, signes de changements profonds, sont en cours presque partout dans le monde : de l’Amérique latine au Pacifique en passant par l’Afrique. Personne ne doute que le monde soit en train de traverser une réorganisation systémique.
La question est de savoir si les contours d’une future structure qui garantirait suffisamment la stabilité mondiale se dessinent déjà. Dans ce contexte, toute réunion des dirigeants des pays de l’OCS suscite un intérêt particulier.
L’idée d’un système de sécurité eurasiatique est dans l’air. L’Organisation de coopération de Shanghai est unique en son genre. C’est une organisation à part entière, avec ses propres organismes et ses propres règles, contrairement, par exemple, aux BRICS, dont la nature reste encore floue. Cependant, cette organisation est apparue à une époque où de telles associations ne se formaient généralement plus ou constituaient une réponse éphémère à la conjoncture (il suffit de se rappeler la multitude d’acronymes apparus et disparus dans l’ex-URSS). Le système de gouvernance fondé sur les organisations internationales est une caractéristique de la seconde moitié du XXe siècle, lorsqu’un système de coopération internationale solide a été créé. Après la Guerre froide, il a été préservé, mais son contenu interne a évolué, et si fortement qu’il est apparu assez rapidement que les institutions établies ne fonctionnaient plus de la même manière (relativement efficace) qu’auparavant, le contexte ayant changé.
Un monde complexe et hétérogène
Peut-on en conclure que les anciennes structures doivent être remplacées par de nouvelles, ou ce type d’organisation du système international a-t-il tout simplement cessé d’être pertinent ? Au début du siècle, beaucoup penchaient plutôt pour la première option : les anciennes institutions avaient rempli leur rôle, de nouvelles allaient voir le jour ; leurs tâches seraient différentes, mais elles seraient structurées à peu près de la même manière que les anciennes. Au fil du temps, cependant, l’approche a commencé à évoluer en faveur de la seconde option. Le monde est si complexe et si hétérogène qu’il est impossible de l’enfermer dans des formes stables et fixes. Les intérêts des pays ne sont pas nécessairement contradictoires, ils sont plutôt très différents, et leur réalisation exige des approches flexibles. Cette flexibilité s’accorde mal avec la rigidité des institutions classiques, en particulier lorsqu’il s’agit de blocs liés par des obligations et une discipline. À un moment donné, le mode optimal d’organisation intra-étatique a semblé être celui de groupes ad hoc de pays ayant besoin de résoudre ensemble un problème spécifique.
C’est ainsi que l’OCS a vu le jour. Après la chute de l’URSS, les nouveaux pays d’Asie centrale et la Russie ont dû résoudre des problèmes aux frontières avec la Chine. C’est ainsi qu’est né le groupe de Shanghai. Ces problèmes ont été résolus avec tant de succès qu’il a été décidé de conserver et de développer cette plateforme efficace. Au cours des années, le forum s’est élargi pour accueillir l’Inde, le Pakistan et l’Iran ; la Biélorussie sera présente au sommet cette année. Les dirigeants d’autres puissances importantes pour la région eurasiatique, telles que la Turquie ou les monarchies du golfe Persique, assistent généralement aux sommets de l’OCS.
Réfléchir au rôle de l'Eurasie dans le monde
Tout élargissement apporte de la solidité à une organisation, mais en augmente-t-il l’efficacité ? La question est discutable. Non seulement parce que les relations entre la Chine et l’Inde ou entre l’Inde et le Pakistan sont compliquées, pour ne pas dire plus. Il s’agit d’un obstacle, certes, mais ce n’est pas le seul : l’essentiel est de trouver un ordre du jour qui nécessite un véritable effort commun et qui présente un intérêt concret pour tous les participants. Ce n’est pas simple, compte tenu de la diversité des membres de l’OCS.
Il faut probablement partir d’une réflexion sur le rôle de l’Eurasie dans le monde. Les principales puissances eurasiatiques émergent aujourd’hui en tant que piliers de l’économie et de la politique internationales. Toutefois, se contenter de faire la somme des potentiels, comme c’est souvent le cas lorsqu’on évoque l’OCS ou les BRICS, est peu utile. Le plus important est que cette vaste région ne peut être contournée ou ignorée ; tous les processus en cours dans le monde en dépendent ou lui sont liés. L’Eurasie est traditionnellement appelée «le noyau», et ce n’est pas par hasard. L’appartenance à ce noyau unit tous les pays de l’OCS, en définissant à la fois les opportunités et les risques. Ces derniers sont liés à l’attention accrue portée à l’Eurasie par de puissants acteurs extra-régionaux, qui ne sont pour le moins pas toujours bien intentionnés.
La notion de système de sécurité eurasiatique est dans l’air, même si la Chine, les pays d’Asie centrale et l’Inde l’ont abordée sous différents angles. Récemment, le président russe a relancé cette initiative. La sécurité eurasiatique, contrairement à la sécurité européenne, n’est pas un phénomène militaro-politique, mais un modèle de développement global de la région et de réalisation de son énorme potentiel. L’OCS n’est pas parfaite, mais elle constitue une plateforme idéale pour formuler les principes de ce grand projet.